Le Colonel Kadhafi est mort jeudi dernier après huit mois d'insurrection en Libye. Très rapidement une vidéo de sa capture, faite par un rebelle à l'aide d'un téléphone cellulaire puis transmise à Al-Jazira, ainsi qu'une photographie du visage ensanglanté du dictateur de l'AFP ont circulé sur les écrans du monde entier. Des images «scandaleuses», se plaint un lecteur du quotidien Le Droit.

Le Colonel Kadhafi est mort jeudi dernier après huit mois d'insurrection en Libye. Très rapidement une vidéo de sa capture, faite par un rebelle à l'aide d'un téléphone cellulaire puis transmise à Al-Jazira, ainsi qu'une photographie du visage ensanglanté du dictateur de l'AFP ont circulé sur les écrans du monde entier. Des images «scandaleuses», se plaint un lecteur du quotidien Le Droit.

Comme pour répondre à l'avance aux critiques, Radio-Canada, qui a relayé la vidéo obtenue par Al-Jazira, a diffusé jeudi un vidéomontage montrant la mise à mort publique de Benito Mussolini, de Nicolae Ceauescu et de Saddam Hussein. Si ces images dérangent elles sont cependant «nécessaires», car elles permettent aux peuples opprimés «de tourner la page», expliquait Céline Galipeau au Téléjournal 22h.

Même son de cloche chez Libération qui souligne la «fonction cathartique» de ces images d'un tyran humilié. «La prise de conscience de la mort de Kadhafi passe par ces images. Elles font et sont l'histoire. Elles permettent aussi de comprendre la violence de la guerre, les terreurs, l'excitation, et les moments incontrôlables créés. La Révolution n'étant pas un dîner de gala, cacher ces images, plus que respecter le corps de Kadhafi, équivaudrait presque à de la désinformation», écrit le journal.

Le quotidien français souligne que l'absence d'image de la mort de Ben Laden a été beaucoup reprochée aux Américains. Dans son vidéomontage, le téléjournal de Radio-Canada ajoutait également que l'absence d'images montrant la mort d'Adolphe Hitler alimente encore les rumeurs.

Authentifier la mort et l'image

Pour le chroniqueur en éthique du Devoir, Jean-Claude Leclerc, c'est précisément pour cette raison que la diffusion de ces images était nécessaire. «Il fallait les diffuser pour vérifier sa mort et faire taire les conspirationnistes», estime-t-il. En ce sens, il ne s'agit pas, selon lui, d'images macabres gratuites, mais bien de documents d'intérêt public. «Sans cette image, personne n’aurait cru au décès de Mouammar Kadhafi. L'intérêt de l'information surpasse la violence de l'image», indique lui aussi le rédacteur en chef du service photo de l’AFP, Éric Baradat.

L'AFP, qui a diffusé la première photographie du visage ensanglanté du Colonel Kadhafi, a d'ailleurs très rapidement publié un témoignage du photographe Philippe Desmazes, afin d'authentifier l'image. Le photographe, qui couvrait la chute de Syrte, explique qu'il a en fait croqué l'écran de téléphone du rebelle qui a filmé l'arrestation.

Questionné par le magazine Le Point, l'anthropologue Jean-Jacques Courtine souligne que «l'effet d'authenticité est amplifié ici par l'amateurisme» puisque les images n'ont pas été tournées par des journalistes. «On est dans la grande tradition de la photo-choc, et dans la rhétorique de la vérité: montrer une image brute de décoffrage, avec sur les côtés les petits logos, la batterie de téléphone… Plus une image est maladroite, plus elle sent l'authenticité», explique le professeur en histoire de la photographie, Michel Poivert à 20minutes.fr.

Malgré tout, les circonstances de la mort du maître déchu de Tripoli restent floues. A-t-il été sommairement exécuté ou a-t-il péri dans des échanges de tirs? Le président du Conseil national de transition de la Libye a annoncé aujourd'hui qu'une commission d'enquête serait bientôt créée pour faire la lumière sur les dernières heures de Mouammar Kadhafi.