Alors que le mandat de Brian Myles à la présidence de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) est sur le point de s’achever, Projet J revient sur l’un des grands dossiers qui a marqué ses deux mandats, l’échec de la création du statut de journaliste professionnel. Entrevue avec Christine Saint-Pierre, alors ministre de la culture et des communications, et grande défenseuse du projet.
Propos recueillis par Hélène Roulot-Ganzmann
Alors que le mandat de Brian Myles à la présidence de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) est sur le point de s’achever, Projet J revient sur l’un des grands dossiers qui a marqué ses deux mandats, l’échec de la création du statut de journaliste professionnel. Entrevue avec Christine Saint-Pierre, alors ministre de la culture et des communications, et grande défenseuse du projet.
Propos recueillis par Hélène Roulot-Ganzmann
Février 2011 – Dominique Payette remet à la ministre Christine Saint-Pierre, le rapport qu’elle lui a commandé sur le journalisme et l’avenir des médias au Québec. Au programme, cinquante-et-une recommandations dont la première d’entre elles appelle à l’adoption d’une loi sur le statut du journaliste professionnel au Québec.
Très vite cette idée fait son chemin. Neuf ans après la première tentative, dont l’échec avait poussé Anne-Marie Dussault à démissionner de son poste de présidente de la FPJQ, le contexte a changé et les professionnels de l’information semblent cette fois, prêts à franchir le pas. La FPJQ organise au printemps un référendum auprès de ses membres. Ils sont 58% à s’exprimer et le oui l’emporte à l’écrasante majorité de 86,8% de suffrages.
La mécanique semble bien enclenchée. L’idée a le soutien de la FPJQ, du Conseil de Presse et de la Fédération nationale des communications (FNC-CSN), syndicat représentant environ 2000 journalistes pigistes et salariés. Parmi les grands joueurs, seul le Syndicat des communications de Radio-Canada (SCRC) s’y oppose. La ministre Christine Saint-Pierre, elle-même ex-reporter, l’appelle également de ses vœux et elle organise des consultations publiques à l’automne 2011.
Sauf que si l’idée fait consensus ou presque, sa mise en place s’apparente à une guerre de pouvoir, qui mène finalement à l’échec du projet.
Projet J: Deux ans après, comment analysez-vous ce revers?
Christine Saint-Pierre: C’est encore une grande déception. Toutes les planètes étaient alignées pour faire en sorte qu’on puisse créer ce titre de journaliste professionnel. Je pensais que j’avais la complicité de la FPJQ à ce moment-là et je ne m’explique pas encore très bien ce rétropédalage. Il y a quelque-chose qui s’est passé. Il y a même des vieux journalistes qui sont venus à la consultation publique pour dire qu’on n’avait pas besoin de ce statut. M. Myles a reculé. Il était à l’époque en réélection et peut-être qu’il a craint de perdre des soutiens. En tout cas, c’est pendant les consultations que j’ai appris que la Fédération des journalistes professionnels n’était plus intéressée. Je suis tombée en bas de ma chaise parce que je n’avais pas eu de signes avant-coureurs.
Les analystes parlent d’une guerre de pouvoir entre la FPJQ et de Conseil de Presse…
De mon point de vue, ça, c’est anecdotique. Si tout le monde avait été vraiment motivé, des solutions auraient été trouvées pour que tous s’y retrouvent. Et le titre existerait aujourd’hui. De mon côté, tout était prêt. J’avais l’appui du premier ministre, du conseil des ministres et de mon caucus. Je suis certaine que les partis d’opposition s’y seraient ralliés et de toutes façons, nous étions majoritaires. Mais sans l’appui de la FPJQ, en tant que ministre, je ne pouvais pas aller de l’avant. Nous avons vraiment raté un grand rendez-vous avec l’histoire.
En quoi, selon vous, il était primordial de doter les journalistes de ce titre?
Rappelons-nous d’abord qu’il ne s’agissait pas de créer un ordre mais bien un titre, un peu sur le modèle de ce qui existe avec l’Union des artistes (UDA). Il n’était pas non plus question de conditionner l’obtention de ce statut à un diplôme, mais bien d’établir tout un ensemble de critères. Avec les nouveaux médias et les réseaux sociaux, il y a un mélange des genres aujourd’hui en matière d’information. Comment faire la différence entre un journaliste professionnel et toutes les autres formes de communicateurs, blogueurs, commentateurs et autres citoyens qui s’expriment? Pouvoir apposer «JP» au bout de son nom aurait permis non seulement au public de savoir à qui il a affaire, mais aussi de crédibiliser les journalistes, notamment les jeunes. C’est à eux que Dominique Payette pensaient en priorité. C’est certain que les anciens, bien installés dans les gros conglomérats n’en ont pas forcément besoin de ce titre. Mais pour les jeunes qui sortent de l’université bardés de diplômes, ceux qui sont à la pige, et en région également, ça aurait donné du poids.
Les détracteurs du titre rejettent le fait que l’État puisse s’immiscer dans les affaires des médias…
Il n’a jamais été question de ça. Les consultations publiques étaient là justement pour travailler sur le texte de loi. Nous nous adossions aux recommandations du rapport Payette et celui-ci dit très clairement que le rôle de l’État est d’appuyer et de soutenir la démarche menant à un statut pour les journalistes professionnels. Mais que ce statut doit se baser sur la séparation la plus étanche possible entre l’État, les entreprises de presse et les journalistes professionnels de façon à garantir l’indépendance à l’égard des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire. Nous travaillions dans ce sens.
Au-delà de ce titre de journaliste professionnel, le parti libéral a perdu les élections dix-huit mois après la publication du rapport Payette et aucune des recommandations n’avaient été mises en place…
C’est faux. Le problème, c’est que nombre de recommandations découlaient de ce titre de journaliste professionnel. Mais nous avons par exemple augmenté le budget du Conseil de Presse cette année-là. Quant à la plateforme numérique interrégionale, elle est dans les cartons. Le site est prêt, il n’y a qu’à le lancer, et pour cela débloquer le budget, soit 10 millions de dollars. Le parti québécois s’était engagé à le faire durant la campagne… mais le nouveau ministre a-t-il seulement lu le rapport Payette?
Selon vous, le titre professionnel est définitivement enterré?
Pour qu’il refasse surface, il faudrait à la fois une demande de la base et un intérêt du ministre. C’était un sujet qui me tenait à cœur parce que j’ai été moi-même journaliste et que je voyais les nouvelles générations errer, à essayer de s’en sortir dans un nouveau contexte qui noie leur professionnalisme dans un océan d’amateurisme. Le rapport Payette a confirmé mon intuition et la profession avait donc la complicité de la ministre sur ce sujet. Pour retrouver une telle situation, bonne chance!
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