Par Malorie Gosselin, étudiante au baccalauréat en journalisme de l'UQAM
L'AJIQ plaide en faveur d'un statut pour les journalistes professionnels sous conditions. Sans la reconnaissance du droit à la négociation collective pour les journalistes indépendants, un statut pour les journalistes professionnels ne sera pas suffisant pour soutenir et promouvoir la qualité de l'information.
Par Malorie Gosselin, étudiante au baccalauréat en journalisme de l'UQAM
L'AJIQ plaide en faveur d'un statut pour les journalistes professionnels sous conditions. Sans la reconnaissance du droit à la négociation collective pour les journalistes indépendants, un statut pour les journalistes professionnels ne sera pas suffisant pour soutenir et promouvoir la qualité de l'information.
C'est la position qu'a défendue la présidente de l'Association des journalistes indépendants du Québec (AJIQ), Lisa Marie Noël, devant la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine, Christine St-Pierre, lors de son passage à Montréal vendredi, dans le cadre sa consultation publique «Pour une information au service de l'intérêt public».
Dans le contexte où le ministère soumet au débat la création éventuelle d'un titre de journaliste professionnel assorti d'un code de déontologie, la présidente de l'AJIQ a martelé qu'il fallait d'abord assurer aux artisans de l'information des conditions de pratiques leur permettant de respecter les règles déontologiques, avant d'exiger d'eux qu'ils respectent ces règles. «On trouve ça un peu hypocrite de demander aux journalistes indépendants de respecter des normes éthiques sans leur donner le moyen de le faire.»
«Les journalistes indépendants sont de plus en plus nombreux dans le paysage médiatique, mais le tarif au feuillet n'a presque pas bougé depuis trente ans», a fait valoir la présidente de l'AJIQ. Les pigistes sont confrontés à devoir choisir entre la volonté de respecter la déontologie et le besoin de mettre du pain sur la table, a déploré le vice-président de l'AJIQ, André Dumont.
«Pour survivre, les journalistes indépendants doivent s'attaquer à des sujets vendeurs, de préférence pas trop compliqués et bâcler la recherche. Ils évitent les enquêtes et les intervenants trop difficiles à joindre, limitent au maximum les déplacements, etc.», peut-on lire dans le mémoire de l'AJIQ. De plus, les éditeurs exigeraient de plus en plus que les journalistes indépendants cèdent les droits d'auteur, mais aussi les droits moraux sur les articles qu'ils produisent. Mme Noël se désole de voir les meilleures plumes en quête de revenus d'appoint – ceci les place souvent en situation de conflit d'intérêts –, ou pire, de les voir contraints d'abandonner le métier.
Lisa Marie Noël et André Dumont ont tenté de convaincre la ministre St-Pierre que les conditions de pratique médiocres s’expliquent par un rapport de force inégal entre les journalistes indépendants et leurs éditeurs. Pour eux, le droit à la négociation collective serait un remède aux piètres conditions de pratique qui affectent les journalistes indépendants. «On veut avoir le droit de se mettre ensemble pour négocier un contrat type de travail avec des éditeurs, ou des ensembles d'éditeurs, par exemple les médias communautaires», explique Mme Noël, «comme on l'a fait avec Le Devoir et Gesca, à la suite de nos recours collectifs».
Une recommandation passée sous silence
Cette demande historique de l'AJIQ correspond à la deuxième recommandation du Rapport Payette, qui a inspiré la consultation publique. «Dans la loi qui sera promulguée sur le statut des journalistes professionnels, que soit inclus un chapitre spécifique sur les journalistes professionnels indépendants leur octroyant des conditions à celles dérivées de la loi québécoise sur le statut de l’artiste», suggère-t-on dans le rapport. Cependant, cette recommandation ne fait pas partie des orientations retenues par la ministre St-Pierre dans le cadre de la consultation publique en cours.
«Ça nous a déstabilisés», raconte Mme Noël. Sur son site, l'AJIQ s'est dite «grandement déçue» de cette absence de la deuxième recommandation au débat. «J'ai parlé avec la ministre St-Pierre, et elle m'a dit que c'était parce que, selon elle, cela relevait du ministère du Travail. Or, je ne comprends pas pourquoi nous relèverions de ce ministère, tandis que la loi sur le statut de l'artiste, elle, est la responsabilité du ministère des Communications.» À l'instar de la ministre, la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) croit que «c'est une question qui relève du ministère du Travail», a expliqué Brian Myles, président de la FPJQ.
« C'est un point qu'on devra éclaircir, mais s'il faut aller s'adresser au ministre du Travail, nous irons!» a rétorqué la présidente de l'AJIQ, qui ne croit pas que ce ministère soit bien placé pour comprendre l'importance de la qualité de l'information. «On espère tout de même un appui de Mme St-Pierre…», a-t-elle ajouté avec optimisme. Si la ministre est pour le moment à l’étape de la réflexion, plusieurs organismes ont d’ores et déjà manifesté leur appui à l’association. Le Syndicat des travailleurs de l'information de La Presse, le Conseil central du Montréal métropolitain, de même que La Fédération nationale des communications, qui soutient l’AJIQ depuis de nombreuses années, ont tous repris à leur compte la revendication de l’association dans les mémoires qu’ils sont venus présenter à la ministre vendredi.
La lutte de l'AJIQ pour de meilleures conditions de travail pour les journalistes indépendants perdure depuis la création même de l'association, il y a 23 ans. La présidente voit d'un bon œil la recommandation première du rapport Payette et le débat autour du titre que ce rapport a engendré, car c'est une occasion pour elle de se faire entendre. «Ça nous ouvre des portes pour faire passer la négociation collective!», estime-t-elle.
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