Suite
aux élections présidentielles de novembre 2010, la Côte d’Ivoire a
été plongée dans une violente crise politique dans laquelle les
journalistes ont été directement pris pour cible. Selon le dernier
bilan, cette crise aurait fait au
moins 3.000 morts et plus d’un million de déplacés. Les combats ont
cessé après la capture du président déchu, Laurent Gbagbo, et
l’arrivée au pouvoir d’Alassane Ouattara, mais certaines zones
restent dangereuses. C’est le cas de Yopougon, quartier qu’a fui le
photojournaliste Alain Tieffi. Il nous livre ici le récit de son
retour chez lui.
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Je
me nomme à l’État civil BOUH
TIEFFI ALAIN
et signe simplement ALAIN
TIEFFI
mes œuvres photo à Fraternité Matin depuis 1980, date de mon
embauche dans ce journal gouvernemental.
À cause de la crise postélectorale qui a secoué ce pays depuis
ces 5 derniers mois, ma famille et moi avons cherché tant bien
que mal à trouver abri en dehors de la zone que nous habitions
(YOPOUGON Toits rouge). Mon épouse et mes enfants sont partis à
Bassam le 20 avril, tandis que j’ai rejoint le Plateau Dokoui où un
de mes collègues a accepté de m’héberger.
Le
6 mai, des amis et voisins m’ont signalé la fin des hostilités.
La vie revenait malgré des cas de pillages. Quand les pilleurs
constatent votre absence prolongée, ils en profitent pour faire
leur sale besogne. J’ai donc décidé d’aller voir l’état de notre
maison et de mon véhicule abandonné sur place.
Dans
mon quartier “Toits rouge” il y a un commissariat. Les FRCI
s’y sont installés. Deux de mes collègues et moi même, avons
demandé à parler au commissaire pour des civilités. Il était en
déplacement, mais le chef de poste nous a reçus et fait escorter
par ses hommes jusque chez moi. Sur le stationnement, nous constatons
rapidement que ma voiture a été saccagée. La maison par contre
était dans l’état où je l’avais laissé. J’ai donc fait quelques
accolades à mes voisins avant de retourner sur le stationnement
retrouvé mon collègue qui devait tenter de regonfler les pneus de
la voiture.
Une
surprise m’y attendait. Il y avait plus d’hommes en tenues
militaires, 8 ou 10 ou plus. L’un d’entre eux m’a interpellé.
Le chef a pointé une arme sur moi et m’a demandé ma profession.
«Photojournaliste», je lui ai répondu. Il m’a alors demandé
de «repartir à la maison» et informé qu’il allait fouiller mon
domicile me prévenant que s’il y trouvait une cache d’arme il
brulerait tout et me tuerait.
Terrifié,
je suis retourné chez moi sous le regard interloqué des voisins. Le
«chef» m’a fait ouvrir la porte, une fois au salon il a défoncé
la porte de la chambre principale et des autres pièces de maison. Il
m’a intimé de sortir de la maison encadré par deux hommes en
tenues. Mes archives ont été jetées dans tous les sens, puis le
chef est sorti avec des photos où le président Gbagbo et moi avions
posés en 2007 et 3 balles de pistolet de 7,65 mm. J’ai expliqué
que j’avais une autorisation pour avoir une arme de ce calibre signé
des mains du ministre de la Sécurité intérieure.
Nous
sommes alors sortis du quartier escorté par le groupe armé dans un
véhicule 4X4. Arrivé à leur base, j’ai été soumis à un autre
interrogatoire d’une heure trente pendant que mon Directeur Général
tentait par tous les moyens de joindre certains responsables
politiques. Je suis resté fidèle à ma version des faits et ai
finalement recouvré la liberté, mais, comme on dit, «j’ai vu la
mort de mes propres yeux ».
Alain
Tieffi, Rédacteur
en chef photo, Fraternité-Matin
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Notre couverture de la crise ivoirienne:
À quand un retour au calme en Côte d’Ivoire?
Côte d’Ivoire: la chasse aux journalistes s’intensifie
GAK: le franco-canadien qui dérangeait en Côte d’Ivoire
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