Tout juste à temps pour Noël, la Cour suprême du Canada a rendu deux jugements en faveur de la liberté de presse et surtout de la liberté d’expression. En vertu d’une décision unanime, il a été entendu que l’intérêt du public doit primer sur l’accumulation de toute la preuve permettant d’établir, hors de tout doute, la véracité des faits rapportés.
Ce jugement fait suite à une longue saga pour deux journaux ontariens, le Toronto Star et le Ottawa Citizen. Dans les deux cas, ces médias avaient été poursuivis pour diffamation.
Malgré le signal fort envoyé par la Cour suprême, les retombées de ce jugement au Québec ne sont pas aussi évidentes que la chose pourrait le sembler. Dans son éditorial Une victoire, André Pratte insiste sur le fait qu’il s’agit d’un gain pour la presse au Canada, mais qu’au Québec, où le Code civil s’applique et non la Common law, la portée de ce jugement est jusqu’à un certain point limité. Jusqu’à un certain point seulement puisqu’il a tout de même été avancé que la liberté d’expression doit primer lorsque l’intérêt public est en jeu.
Dans son jugement reprenant le concept de «journalisme responsable» la Cour suprême a aussi abordé la question du ton journalistique, non seulement dans la presse traditionnelle, mais aussi sur les blogues.
«On ne doit pas faire de la platitude stylistique une condition d’application du moyen de défense. (…) Le journalisme d’enquête à son meilleur prend souvent une position incisive ou critique sur des questions d’actualité pressantes. Il ne faudrait pas que ce seul ton d’un article, responsable par ailleurs, empêche d’invoquer la défense de communication responsable.»
Une position qui a été nuancée, en ce sens qu’il ne suffit pas de prétendre avoir de bonnes intentions, mais bien de respecter des règles fondamentales pour ainsi bénéficier de la clémence de la Cour en cas de poursuite. Parmi les paramètres à considérer, notons l’allégation en elle-même, l’urgence de la question, la fiabilité des sources et l’intérêt réel du public.
Quel est donc l’impact réel de ces décisions? En ce qui concerne la pratique même du métier, peu de choses. La vérification et la contre-vérification demeurent des éléments inhérents au métier de journaliste, peut-être que certains se trouveront plus libres de publier certains textes. Cela dit, ce qui change surtout, c’est la propension à vouloir baillonner la presse qui se trouve plus démunie.
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