Une loi pour protéger les divulgateurs, oui. Mais pas sans les journalistes!

Le syndicat des professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ) compte bien faire en sorte que ce dossier, essentiel selon lui pour le bon fonctionnement de la démocratie, fasse partie du débat lors de la prochaine campagne électorale. La Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) applaudit. Mais exige que les artisans de l’information n’en soient pas les grands oubliés.

Par Hélène Roulot-Ganzmann

Le syndicat des professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ) compte bien faire en sorte que ce dossier, essentiel selon lui pour le bon fonctionnement de la démocratie, fasse partie du débat lors de la prochaine campagne électorale. La Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) applaudit. Mais exige que les artisans de l’information n’en soient pas les grands oubliés.

Par Hélène Roulot-Ganzmann

C’était une promesse de campagne du parti québécois. Mais force est de constater que dix-huit mois après l’arrivée du gouvernement péquiste au pouvoir, le projet de loi sur la protection des divulgateurs n’est toujours par au menu de la rentrée parlementaire… et que le calendrier électoral qui s’annonce pourrait bien le renvoyer aux calendes grecques.

Assez pour que le SPGQ décide d’appuyer sur l’accélérateur.

«Je ne sais pas s’il y a des visées électoralistes là-dedans, explique Richard Perron, président du SPGQ. J’ai de la difficulté à comprendre ce qui se passe. Tous les partis disent vouloir cette loi, nous avons été reçus pendant deux heures trente par le président du Conseil du trésor, Stéphane Bédard, il y a plusieurs mois. D’après lui, la loi est prête. Quoi qu’il en soit, vous pouvez compter sur nous pour que ce projet fasse partie du débat durant la prochaine campagne électorale.»

Lorsque Richard Perron prend les rênes du syndicat en 2012, il s’engage à positionner ses troupes comme des gardiens de l’intégrité. Mais il se rend bien vite compte que le problème ne vient pas des actes répréhensibles que peuvent commettre une infime partie de ses membres, mais bien de la difficulté qu’ont tous les autres à les divulguer.

Une loi qui ait des dents

«Je préfère d’ailleurs ce terme de divulgateur, plutôt que de dénonciateur, puisqu’il s’agit de révéler des actes qui doivent être portés à la connaissance du public. Or nous observons énormément de cas de dépressions, de burn-out, de plaintes, de tentatives de suicide même, suite à des représailles à l’encontre de nos professionnels qui ont osé rompre la loi du silence ou qui ont refusé d’embarquer dans des pratiques qu’ils jugeaient aller à l’encontre de l’intérêt public. Il faut comprendre que dans certaines administrations, il y a des hauts-fonctionnaires qui se comportent comme de véritables roitelets. Seule une loi pourra mettre fin à ces comportements.»

Dans un document rendu public la semaine dernière, qui résume une étude menée par le service de recherche et intitulée la protection des divulgateurs, une nécessité pour un État québécois intègre, le SPGQ affirme que comme une soixantaine de pays dans le monde l’a déjà fait, comme le Canada au niveau fédéral et quelques provinces également, même s’il pourrait y avoir des améliorations à apporter, le Québec doit se doter d’une loi, sans laquelle toute tentative de lutter efficacement contre la corruption serait vaine. Et d’une loi qui ait des dents.

«Certaines de nos recommandations, comme le renversement du fardeau de la preuve, ne sont pas négociables, mentionne le président du syndicat. Ainsi, ce devra être à l’employeur de prouver qu’une quelconque mesure de représailles n’a pas été prise pour punir une divulgation. Non l’inverse. Le fait que la divulgation de mauvaise foi soit lourdement sanctionnée est important également, parce qu’il ne s’agit pas de pouvoir accuser n’importe qui de manière injustifiée. D’autres recommandations sont là plutôt pour amorcer le débat, ajoute-t-il. Nous proposons notamment que les divulgateurs reçoivent un pourcentage des sommes récupérées. Ce n’est pas dans notre culture ici et je comprends que ça puisse choquer. Mais ça marche très bien aux États-Unis par exemple, alors discutons-en!»

«Ne pas inclure les journalistes, une grave erreur»

Une initiative que ne peut qu’applaudir la FPJQ, toujours prête à soutenir ceux qui souhaitent protéger les lanceurs d’alerte. En entrevue à ProjetJ, son président, Pierre Craig, prévient cependant que les journalistes ne devront pas être les oubliés de la future législation. Or, le SPGQ n’en fait pas mention et semble vouloir privilégier les divulgations auprès du protecteur du citoyen.

«La loi doit permettre aussi aux lanceurs d’alerte de continuer à parler aux journalistes, tout en ayant une garantie d’anonymat et l’assurance de ne pas subir de représailles, affirme Pierre Craig. Ça doit être couché très clairement. Je n’ai rien contre le protecteur du citoyen, mais nous ne faisons pas le même travail. Lui doit faire très attention, ménager. Il ne va pas foncer dans le tas. Quand le journaliste va chercher, chercher, chercher. Oui, ça prend un journalisme rigoureux parce qu’il faut vérifier tout ce qui nous est rapporté et que les histoires se révèlent parfois fausses. Mais rappelons qu’il n’y aurait pas de commission Charbonneau aujourd’hui sans le courage de divulgateurs et sans la pugnacité des journalistes.»

En privilégiant le protecteur du citoyen, Pierre Craig estime que les scandales mettront plus de temps à arriver sur la place publique.

«D’autant que la loi sur l’accès à l’information est minable, rappelle Pierre Craig. De l’aveu même du ministre Drainville, elle ne fait en fait que bloquer encore un peu plus cet accès. Ce serait vraiment une très grave erreur que de ne pas inclure les journalistes dans la législation sur la protection des divulgateurs.»

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