Rapidité de traitement en ligne: quels enjeux déontologiques?

«Le
Web amène une vitesse de traitement de l’information de plus en
plus rapide qui ne se prête pas à tous les sujets. Ceci pose-t-il
de nouveaux défis au plan déontologique ?» C’est la question que
se pose le journaliste économique Matthieu Lavallé de
lesaffaires.com et
dont il discutera demain dans le cadre du MediaCamp de Montréal.

Avocat
de formation, Mathieu Lavallé a essentiellement exercé le
journalisme dans les cybermédias québécois. Il y a constaté que
l’industrie se pose beaucoup de questions sur la façon de transposer
le contenu journalistique d’un support papier ou autre vers Internet
et la façon de le rentabiliser. Cependant, il déplore que l’on se
questionne très peu sur les défis déontologiques et éthiques nés
du travail en ligne, un univers où règne une vitesse de production
extrême.

L’information parcellaire

«Nous
avons tous développé des pratiques sur le tas sans vraiment nous
arrêter pour y penser. Par exemple, quand une nouvelle tombe, on se
dépêche d’écrire un titre et deux paragraphes et on met en ligne
en terminant par plus
de détails à venir”,
et on relaye le tout sur Twitter. Mais est-ce vraiment la chose à
faire? Qu’est-ce qui nous assure que le lecteur reviendra lire les
détails?», se questionne Mathieu Lavallé.

C’est
aussi une préoccupation que nous manifestait la semaine dernière
Michel Dumais, rédacteur en chef de Projet J et journaliste
spécialiste des nouvelles technologies: «Une fois que l’information
brute a circulé quand le journaliste ou l’analyste essaie ensuite de
faire des nuances, de corriger le tir, ou d’aller à contre-courant,
le public est passé à autre chose et de veut pas l’entendre.»

Faits
divers et économie soumis au même traitement

Mathieu
Lavallée souligne également que certains sujets ne se prêtent tout
bonnement pas à cette façon de faire, mais qu’elle s’impose quand
même parce qu’on veut être le premier à publier. «Quand la Banque
du Canada hausse le taux directeur par exemple, je peux évidemment
écrire quelques lignes, mais qu’est-ce que ça donne? Ce qui est
important c’est d’expliquer, pourquoi elle le fait, quelles
conséquences ça aura et qu’est-ce que ça nous dit sur l’état de
l’économie. Mais je ne peux pas dire ça en deux paragraphes.»

Dans
la même veine le professeur Pierre C. Bélanger, spécialiste des
technologies émergentes au département de communication de
l’Université d’Ottawa, nous exprimait son scepticisme face à la
couverture de la commission Bastarache sur Twitter: «Informer le
public sur une commission de ce genre c’est l’aider à en comprendre
les enjeux, il faut donc réfléchir et non pas seulement rapporter
des faits. Or Twitter n’est pas une technologie conçue pour
l’analyse réflexive, sa grammaire expéditive ne le permet pas.»

Le
risque du travail sans filet

Par
ailleurs, Mathieu Lavallée s’inquiète des risques d’erreurs
qu’engendre la rapidité du traitement de l’information en ligne. Le
phénomène a d’ailleurs déjà fait tomber un jeune journalistes web
du Canal Argent congédié en mai pour avoir plagié un article
publié sur RueFrontenac.com. Dans une lettre adressée aux médias,
il a accusé son employeur de l’avoir poussé au plagiat en le
soumettant «à une pression de travail énorme».

Vous souhaitez assister et participer à
cette réflexion? Mathieu Lavallée vous donne rendez-vous demain à
11h30 au MediaCamp de Montréal qui se tiendra au Coeur des sciences
de l’UQAM. Une diffusion en ligne sera également assurée pour ceux
qui ne pourront se rendre sur place.