Qui est responsable de la mauvaise information?

Les habitudes du public jouent donc un rôle déterminant dans la qualité de leur information. Ainsi, une personne qui lit un quotidien, écoute le radiojournal en se rendant au travail et termine sa journée devant le journal télévisé est exposée plusieurs fois aux mêmes nouvelles.

Une autre, plus active, qui ajoute à ce scénario la lecture d’un magazine spécialisé et la consultation d’un blogue d’expert – qui lui permettent d’aller plus en profondeur sur un sujet donné ou d’aborder les faits sous un angle différent –, réussit sans doute à améliorer de manière notable son bagage informationnel. En d’autres termes, si les Québécois ne sont pas nécessairement bien informés, il demeure qu’ils ont la possibilité de l’être.

Le journalisme n’est pas mort ni même à l’agonie. Les Québécois auront toujours besoin d’une information crédible et de qualité. Comme le disait si bien Michel Foucault, dans un entretien qu’il accordait au journal Le Monde en 1980  : « […] il y a une immense curiosité, un besoin, ou un désir de savoir. On se plaint toujours que les médias bourrent la tête des gens. Il y a de la misanthropie dans cette idée. Je crois au contraire que les gens réagissent; plus on veut les convaincre, plus ils s’interrogent. L’esprit n’est pas une cire molle. C’est une substance réactive. Et le désir de savoir plus, et mieux, et autre chose croît à mesure qu’on veut bourrer les crânes. »

À cet égard, bien que l’on parle souvent du scepticisme des Québécois à l’égard du monde médiatique, étrangement, l’une des conclusions qui ressort d’un sondage mené par la Chaire de recherche en éthique journalistique (CREJ) de l’Université d’Ottawa est qu’ils « accordent une grande crédibilité [à leurs médias] ». Dans l’abondance, cohabitent donc aussi la confusion et la volonté de s’en remettre à « ceux qui savent ». Ainsi, Yvon Deschamps pourrait ajouter un autre verbe à son célèbre énoncé : on veut pas le sawoir, on veut pas le woir, on veut le crowoire!
 
Vivre avec son temps

La formation de collectivités d’individualistes ou de grappes d’intérêts est venue déstabiliser encore davantage les médias « traditionnels ». Grâce aux nouvelles technologies, le public jouit en effet du privilège de se profiler un « média » en fonction de ses champs d’intérêt. L’auteur du livre Le Métier de journaliste, Pierre Sormany, confirme que les sites Web d’information ne correspondent plus à la définition des médias de masse. Il estime qu’il « faut plutôt les voir comme des portes d’entrée à partir desquelles chaque visiteur choisira son propre itinéraire ». Pour sa part, Alain Joannès prétend que les « médianautes » sont littéralement pressurés et voués à des arbitrages permanents entre leurs habitudes et les nouvelles sollicitations. « Ils seront de plus en plus volages et cette inconstance formera des audiences aussi fragmentées qu’instables, en perpétuelle recomposition. »

Ce qu’il faut, c’est donc continuer d’apprivoiser les nouvelles approches et ne pas craindre de regarder loin. En d’autres termes, être ouverts et optimistes, car pour citer l’auteur Bernard Weber, entendu récemment sur les ondes de la radio de Radio-Canada : « Tout ce que nous avons de bien aujourd’hui a été imaginé par nos ancêtres dans le passé. Tout ce que nous aurons de bien dans le futur doit être imaginé maintenant. »

Ainsi, les médias, qui avaient l’habitude de travailler en fonction de publics cibles, doivent maintenant composer avec des « prédateurs d’information »  dynamiques et actifs. Ils doivent aussi s’adapter au phénomène de la coproduction de l’information. Il y a quelques années, les médias sociaux ou citoyens s’inscrivaient en marge du « véritable » journalisme. Or, selon Laurent Mauriac, un des quatre fondateurs du site d’information et de débat Rue89, ils sont parvenus, avec le temps, à « marier la culture journalistique avec la culture Internet ».

Pressions et tentations

Les tisserands du 4e pouvoir sont désormais engagés dans la production d’une toile extensible qui recèle des propriétés et des possibilités étonnantes.  Qui peut prédire ce que réserve l’avenir? Dans sa tentative de se redéfinir, le journalisme subit de fortes pressions et il est tenaillé par de grandes tentations. D’où la naissance de multiples paradoxes. Ainsi en est-il lorsque l’on tente d’analyser des changements majeurs non seulement de l’intérieur, mais aussi en temps réel. À cet égard, il est sans doute trop tôt pour évaluer les véritables effets de ce nouvel environnement technologique à la fois sur la profession et sur les habitudes du public.

Par Denise Gaudreault