À quelques jours du 1er avril, journée où la parodie est reine, ProjetJ met un coup de projecteur sur ces sites satiriques, qui soulignent en s’en amusant les petits travers du journalisme. Une (dés)information plus vraie que nature, qui à l’heure des réseaux sociaux, devient parfois virale… au point que citoyens et décideurs se font parfois prendre. Tour d’horizon.

À quelques jours du 1er avril, journée où la parodie est reine, ProjetJ met un coup de projecteur sur ces sites satiriques, qui soulignent en s’en amusant les petits travers du journalisme. Une (dés)information plus vraie que nature, qui à l’heure des réseaux sociaux, devient parfois virale… au point que citoyens et décideurs se font parfois prendre. Tour d’horizon.

Par Hélène Roulot-Ganzmann

En février dernier en France, la présidente d’honneur du Parti chrétien-démocrate, Christine Boutin, est invitée sur le plateau de la chaine BFMTV pour commenter le report de la loi sur la famille.

«Je ne crois pas que ce soit une victoire», y déclare-t-elle, avant de sortir un bout de papier. «On parle du côté du gouvernement de stratégie provisoire, d’avancement à potentialité différée. C’est tellement complexe que j’ai voulu prendre exactement la citation.»

Trop complexe pour être vrai? Elle venait tout simplement de citer un tweet du site satirique le Gorafi, anagramme du Figaro.

Quelques mois plus tôt, plusieurs médias tunisiens avaient eux-aussi mordu à l’hameçon, reprenant une «infaux» de ce même Gorafi, concernant l’incroyable histoire d’un candidat à l’émission Fort Boyard, «oublié dans la cellule d’une épreuve» et «retrouvé sept ans plus tard».

Le tatouage soumis à la Loi 101

Plus près de nous, au Québec, les auteurs du site satirique le Navet ont créé le buzz au printemps dernier avec un article relatant que les tatouages seraient désormais soumis à la Loi 101.

«Ce n’est vraiment pas notre but de piéger les gens, explique Trevor, l’un des deux protagonistes derrière ce site, officiellement inspiré de the Onion, site satirique américain aux presque six millions de suiveurs sur Twitter. Nous travaillions tous les deux  dans la communication et nous nous amusions à écrire de faux communiqués. Ça faisait rire nos collègues et nos patrons. De fil en aiguille, nous avons fait un blogue. Ça a gagné en popularité et nous l’avons transformé en journal satirique. Petit à petit, on a accepté des contributions de lecteurs, nous avons aussi des dessinateurs. Et depuis quelques semaines, la personne qui était derrière Mauvais Œil, précurseur en matière de site satirique québécois, nous aide aussi.»

Le 8 mars dernier, les deux pseudo-médias annonçaient en effet une entente en vertu de laquelle «le puissant conglomérat médiatique, le Navet, [acquérait] le service des nouvelles du journal Mauvais Œil pour une somme avoisinant les 50 millions de dollars».

Si les deux fondateurs du Navet ont aujourd’hui changé de travail, ils ne vivent pas pour autant de leur plume acerbe.

«Le but n’est donc pas de piéger, reprend-il. D’ailleurs, nous faisons en sorte dès le titre que ça apparaisse clairement que c’est une joke, quelque-chose de complètement loufoque et improbable. C’est sûr que certains se font prendre, surtout lorsque ça devient viral. Mais nous avons aujourd’hui atteint un degré de notoriété qui fait en sorte que les gens comprennent généralement que c’est une blague.»

Le Mauvais Œil «racheté», Le web québécois compte aujourd’hui deux autres sites satiriques francophones, le Journal de Mourréal et l’Axe du mad, aucun n’atteignant cependant la popularité du Navet. Approchés par ProjetJ, ni l’un, ni l’autre n’a répondu à notre demande d’entrevue.

Rire de la politique spectacle

Mais si le but n’est pas de piéger l’internaute, qu’est-ce donc?

«Nous sommes tous les deux des gros geeks en matière d’information, explique Trevor. Nous sommes toujours branchés sur les sites d’information ou devant RDI ou LCN. Nous lisons tous les journaux. Nous sommes des grands fans d’information. Il ne s’agit pas de rire des journalistes, mais de souligner certains travers de façon très polie, tout en tentant d’apporter une touche un peu légère à certains sujets.»

Et la campagne électorale est un moment béni pour les deux satiristes, qui aiment à souligner le côté très spectacle auquel s’adonnent les candidats et les chefs, et dont les journalistes, qui suivent la tournée, sont le relai. Le 10 mars dernier, le Navet titre sur un Philippe Couillard, chef du Parti libéral du Québec, «crachant du feu en conférence de presse dans l’espoir de passer aux nouvelles du soir».

«Avec ce genre de textes, on veut souligner le fait que durant la campagne, le débat porte souvent d’avantage sur le spectacle que sur les grands enjeux nationaux, explique Trevor. On s’amuse aussi souvent de l’aspect course à la nouvelle, breaking news, qui va être le premier à sortir un scoop, etc. On rit avec ça en s’attribuant l’exclusivité de telle ou telle fausse nouvelle. Mais cela dit, ce n’est pas une charge. On aime les médias d’information et on trouve que la grande majorité des journalistes font une très bonne job

Alors si vous voulez comprendre comment une mathématicienne a réussi à décrypter la logique du vote stratégique québécois ou connaitre l’histoire du pauvre idiot qui lit tellement de poésie classique qu’il n’a plus de temps pour la télé, c’est sur le Navet  que ça se passe, et en primeur! Le Navet qui promet d’ailleurs une belle surprise à ses lecteurs pour le 1er avril.