Sur recommandation du Rapport Payette, la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine, Christine Saint-Pierre, a demandé à Télé-Québec au printemps de réfléchir à la création d'une plateforme Web d'information régionale et interrégionale. Mais la direction du quotidien Le Soleil voit ce projet d'un mauvais œil et l'a fait savoir à la ministre dans le cadre de sa consultation publique «Pour une information au service de l'intérêt public».
Sur recommandation du Rapport Payette, la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine, Christine Saint-Pierre, a demandé à Télé-Québec au printemps de réfléchir à la création d'une plateforme Web d'information régionale et interrégionale. Mais la direction du quotidien Le Soleil voit ce projet d'un mauvais œil et l'a fait savoir à la ministre dans le cadre de sa consultation publique «Pour une information au service de l'intérêt public».
Le Rapport Payette s'inquiète de la «montréalisation» de l'information qui nuit à l'accès à une information locale et régionale diversifiée. Une inquiétude qui motive la ministre St-Pierre à envisager un soutien public à la diversité des voix, via une aide actualisée aux médias communautaires et un projet de réseautage de l'information régionale sur le Web confié à Télé-Québec. Le projet a été discuté en avril lors de l'étude à l'Assemblée nationale des crédits budgétaires 2011-2012 du ministère de la Culture, des Communications et de la Condition féminine. Il a été confié à la secrétaire générale de Télé-Québec, Hélène Drainville, qui planche actuellement sur une étude de faisabilité.
Mais Le Soleil n'y voit rien qui vaille et se défend de se «montréaliser». «Le Soleil offre à ses lecteurs une information de proximité de grande qualité grâce à ses chroniqueurs, à son équipe de journalistes dédiée à la couverture de l'Assemblée nationale et à la Chambre des Communes, à ses éditorialistes et à l'ensemble de sa salle de rédaction. Par ailleurs, notre quotidien dispose d'un important réseau de correspondants, ce qui lui permet de proposer une couverture adéquate de l'ensemble de son grand territoire», peut-on lire dans le mémoire que le quotidien du groupe Gesca – filiale du géant Power Corporation – a présenté à Québec le 21 octobre. Le mémoire du quotidien Le Droit, qui fait partie du même conglomérat mais est basé à Ottawa, défend une position similaire.
La direction du Soleil s'appuie sur une étude du Centre d'études sur les médias (CEM) de l'Université Laval qui a confirmé au printemps 2007 que Le Soleil a conservé son identité régionale bien qu'il ait été acheté en 2001 par Gesca. Cependant, en novembre 2007, les syndiqués du journal se joignaient aux syndiqués de Radio-Canada, de TVA, de TQS, du Journal de Québec et de CHRC pour dénoncer la centralisation de l’information dans la métropole et les pertes d’emploi qui en découlent. Pour «éviter aux gens de Québec de se faire manger par la planète Montréal», ils ont demandé aux candidats à la mairie d’en faire un enjeu de campagne. Il y a un an, alors en pleine négociation pour le renouvellement de leur convention collective, les syndiqués du Soleil se sont à nouveau plaints du poids grandissant de Montréal dans leurs colonnes.
La course aux annonceurs
Cependant, pour Daniel Giroux et Philippe Marcotte du CEM, les quotidiens régionaux de Gesca n'auraient pas avantage à se montréaliser, non pas par devoir citoyen, mais par pur instinct de survie. «Ils ne l’ont pas fait par grandeur d’âme, mais parce que leurs lecteurs veulent d’abord être informés sur ce qui se passe près d’eux. Or, Gesca ne veut pas perdre ces lecteurs. C’est grâce à eux si l’entreprise garde ses précieux annonceurs», écrivent-ils. C'est d'ailleurs parce qu'elle craint de perdre des annonceurs que la direction du Soleil s'inquiète de l'émergence d'une nouvelle plateforme d'information régionale pilotée par Télé-Québec.
«Au fil des ans, la tarte publicitaire que se partagent les médias s'est considérablement fragmentée avec l'arrivée de plusieurs nouveaux joueurs. Nous nous questionnons donc sur la possible création d'une plateforme Web d'information régionale et interrégionale financée par l'État. Même si, a priori, cette plateforme serait pleinement subventionnée, il n'est pas exclu que, tout comme son pendant télévisuel, celle-ci devienne éventuellement un nouveau joueur à se partager la tarte publicitaire des médias, créant ainsi une pression supplémentaire sur nos revenus», lit-on dans le mémoire du quotidien.
Ce discours rappelle celui que tient Quebecor Médias à l'encontre de Radio-Canada. Le groupe se présente en effet comme étant victime de la concurrence «déloyale» d’un radiodiffuseur subventionné par l’État. Ce à quoi le réseau public répond que son concurrent privé reçoit lui aussi des sommes considérables en subventions de la part, notamment, du Fonds des médias du Canada du Fonds pour l’amélioration de la programmation locale et du Fonds du Canada pour les périodiques. Gesca ne bénéficie pas de ces fonds spécifiques. Néanmoins, en 2009-2010, les quotidiens québécois et canadiens ont touché globalement 11 millions de dollars en publicités gouvernementales de la part de Québec et 9,61 millions de dollars en publicités gouvernementales de la part d'Ottawa en 2007-2008.
Le Rapport Payette note quant à lui que l'introduction de nouveaux joueurs serait favorable à l'intérêt public. «Au niveau actuel de la concentration de la propriété des médias, difficile de parler d'un libre marché pour les annonceurs, les journalistes et les citoyens. (…) la concurrence est l'un des meilleurs moyens pour garantir une information de qualité. La compétition saine entre des médias d'information permet aux lecteurs, auditeurs et téléspectateurs de puiser à plusieurs sources d'information. Elle permet aux annonceurs de choisir entre différentes offres commerciales. Enfin, la concurrence empêche que les journalistes – qu'ils soient indépendants ou salariés – dépendent d'un seul employeur», écrivent les chercheuses.
Voir aussi:
Rapport Payette: premières retombées à Télé-Québec
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