C’est ce qui ressort d’une enquête menée cet automne par le Centre d’études sur les médias de l’Université Laval. Alors que le débat autour de la Charte des valeurs prenait toute la place dans les quotidiens québécois en général et montréalais en particulier, l'auteur de cette étude a voulu savoir qu’elle influence les chroniqueurs ont réellement sur l’opinion publique. Et les résultats sont pour le moins contradictoires…

Par Hélène Roulot-Ganzmann

C’est ce qui ressort d’une enquête menée cet automne par le Centre d’études sur les médias de l’Université Laval. Alors que le débat autour de la Charte des valeurs prenait toute la place dans les quotidiens québécois en général et montréalais en particulier, l'auteur de cette étude a voulu savoir qu’elle influence les chroniqueurs ont réellement sur l’opinion publique. Et les résultats sont pour le moins contradictoires…

Par Hélène Roulot-Ganzmann

(Correction à 16h20: Michel Lemieux est le seul auteur.)

«Il est clair que les gens admettent rarement que les médias ont une influence réelle sur eux, écrit Michel Lemieux, sociologue et auteur de l’enquête intitulée Les influenceurs de l’opinion et les lecteurs de quotidiens dans le cadre du débat sur la Charte des valeurs. En groupes témoins, on nie généralement cet impact, comme on le fait d’ailleurs pour l’impact des publicités sur son comportement. L’observateur ou le chercheur doit donc déduire de l’ensemble des propos les opinions concernant l’influence des chroniqueurs. Le fait est que beaucoup de participants estiment que les chroniqueurs ont une forte influence…. mais sur les autres!»

Pour mener cette enquête, le Centre d’études sur les médias a formé six groupes d’une dizaine de personnes. Au total cinquante-neuf personnes, tous lecteurs assidus de quotidiens et tous vivant dans la métropole, la grande région montréalaise étant l’endroit où le multiculturalisme est le plus présent au Québec, ont donc pu échanger sur leur perception par rapport à l’influence que les chroniqueurs ont sur leur opinion et l’évolution de celle-ci.

Ainsi, d’un côté, les lecteurs reprochent aux chroniqueurs de les saturer d’informations,  de l’autre, ils estiment que ce foisonnement d’idées plus ou moins proches des leurs, leur permet de se forger une «opinion plus approfondie». D’un côté, ils ne changeraient rien au fait que les quotidiens ouvrent leur pages à des chroniqueurs ayant des opinions différentes les unes des autres, de l’autre, ils en appellent à une plus grande unanimité.

«Faire un bon show»

«Une partie de nos participants expriment sans le dire ouvertement ce qu’on peut nommer une nostalgie à l’égard de l’unanimité sociétale, analyse ainsi l'auteur. Le débat sur la Charte leur apparait une vaine confrontation d’idées et de personnes, un affrontement trop vigoureux qui les laisse inquiets. L’opposition si forte entre les différents groupes en présence désoriente bien des gens. De façon un peu primaire, ils semblent ne pas comprendre que les divergences ne se dissolvent pas naturellement et ne sont pas surtout dues à un manque d’information mais à des positions de base fondamentalement opposées. Il est vrai que, contrairement à certains pays européens, le Québec n’a pas souvent vécu des fractures idéologique de ce type, le débat souveraineté/fédéralisme mis à part.»

Parmi les lecteurs sondés, que l'auteurs de l’étude admet ne pas être complètement représentatifs de la population car faisant partie ceux qui lisent quotidiennement un journal, il y en a quelques-uns pour penser que les chroniqueurs sont aussi là pour faire vendre leur journal et qu’ils font monter de manière artificielle la polémique.

«Les participants perçoivent les chroniqueurs comme étant en concurrence entre eux, écrit M. Lemieux. Ils sont en compétition dans l’opinion publique en termes de lectorat et, en conséquence, au sein de leur journal. D’où cette remarque déjà citée voulant que les chroniqueurs doivent «faire un bon show». (…) Ici une contradiction apparente: alors qu’on estime que le chroniqueur est généralement assez nuancé, on estime aussi que s’il est trop nuancé et qu’il ne prend pas une position claire, son texte est moins intéressant, il devient plus insipide, le «show» est moins bon.»

Pas la mémoire des noms

Ainsi, le chroniqueur «direct» est plus apprécié que son collègue «nuancé». Celui qui est plus informé qu’eux, qui résume les faits, les remet dans leur contexte avant de les juger est également fort apprécié. Tout comme celui, trop rare à leur avis, qui cite ses sources.

«On aimerait bien avoir une perception claire de ces valeurs particulières à chaque chroniqueur, connaitre ce sur quoi il ou elle s’appuie pour développer telle opinion, peut-on lire dans le rapport d’étude.

Malgré tous les reproches qu’ils peuvent leur faire, les lecteurs admettent que les chroniqueurs mettent souvent des mots sur leurs idées, leur permettant ainsi de mieux cerner leur propre pensée. Ils soulignent la «familiarité d’esprit» qu’ils partagent avec les chroniqueurs qu’ils «fréquentent», tout en affirmant lire aussi les textes des commentateurs dont ils ne partagent pas l’opinion, histoire de se confronter à leurs propres sentiments.

Une affirmation que l’on peut d’autant plus croire qu’ils sont quelques-uns au sein du panel à avouer ne pas avoir la mémoire de noms et donc lire plus les chroniques que les chroniqueurs. Excepté le cas Pierre Foglia, le plus populaire des chroniqueurs à en croire le rapporteur de l’étude.

«Comment, cette fois-ci, le ton Foglia, son approche vont-ils se déployer en ce qui concerne la Charte?, se sont demandés les lecteurs lorsque le débat a éclaté. On le devine mais on a hâte d’en avoir la confirmation.»

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