Neil Armstrong contre Michael Jackson

Collaboration spéciale de Pascal Lapointe, Agence Science Presse

À moins d’avoir vécu sur une île déserte au cours du dernier mois, vous avez certainement remarqué que Michael Jackson a eu droit à pas mal plus d’attention médiatique que Neil Armstrong. Et pourtant, il y a fort à parier que dans 100 ans, la plupart des gens scolarisés auront entendu le nom « Neil Armstrong », alors que la place de Michael Jackson dans les grands livres d’histoire reste encore incertaine.

Pour les uns, cette distance est révélatrice de notre univers médiatique qui accorde peu de place à la science. Pour les autres, elle est plutôt révélatrice de notre culture, où le flamboyant l’emportera toujours sur le rationnel.

Le chroniqueur économique Jon Friedman ironise ainsi par une comparaison avec la manchette du 20 juillet 1969 —l’homme a marché sur la Lune. « Pouvez-vous penser à quoi que ce soit, dans les manchettes d’aujourd’hui, qui durera 40 ans? Est-ce que quiconque se souciera encore de la mort triste et mystérieuse de Michael Jackson? Est-ce que quiconque se souviendra de Sarah Palin? »

Difficile d’imaginer plus grande antithèse entre la flamboyance de ces vedettes du spectacle d’aujourd’hui et la modestie d’un Neil Armstrong, qui a accordé en 40 ans moins d’entrevues à des journalistes qu’il n’a de doigts dans sa main gauche. À côté d’Armstrong, n’importe lequel des astronautes a l’air d’un kid kodak. Mais plus quand, comme Gene Cernan —le dernier homme à avoir mis le pied sur la Lune, en 1972— ils disent des choses telles que : « un jour vous êtes Gene Cernan, jeune aviateur, ou quoi que ce soit, et le lendemain, vous êtes un héros américain. Et pourtant, vous n’avez rien fait ».

Flamboyance versus modestie : il y a tout à parier que l’exubérance médiatique autour des funérailles d’un Michael Jackson —ou d’une princesse Di— n’aura rien eu en commun avec la couverture médiatique des funérailles de ces astronautes, quand ce sera leur tour de passer l’arme à gauche.

Mais en sera-t-il toujours ainsi? Cet alpha et omega est-il inscrit dans nos gènes —auquel cas il n’y aurait pas beaucoup d’espoir pour l’information scientifique— ou bien est-il culturel? Le chroniqueur Bob Herbert du New York Times, jetant un regard sur les décennies qui furent celles du triomphe de Michael Jackson, propose cette réponse :

“À plusieurs égards, comme société, nous régressions alors dans un monde rose… Les politiciens cessèrent de parler des pauvres. Nous accumulions des quantités phénoménales de dettes et appelions cela une croissance économique. Nous transférions des millions d’emplois outre-mer sans penser sérieusement à la façon dont nous allions les remplacer. Nous laissions couler la Nouvelle-Orléans. Michael Jackson était la star parfaite pour cette époque, l’incarnation du rêve devenu cinglé.”

* Photographie, Wikimedia Commons : © Luc Viatour GFDL/CC