Plusieurs conventions collectives sont présentement en négociations partout au Canada ce qui peut créer plusieurs frictions entre les employeurs et les employés de médias. Doit-on rappeler ici le bras de fer des journalistes du Journal de Québec? Charge de travail, qualité de l’information, convergence ou la réunion de toutes les peurs.

À La Presse, où les discussions ont été plus calmes, mais très longues, un amendement à la convention collective a été signé par toutes les parties pour que les journalistes du journal comme ceux de Cyberpresse collaborent aux deux plates-formes. C’est ainsi que depuis l’an dernier, avant de partir en reportage, les journalistes de même que les photographes doivent savoir s’ils couvrent l’événement qui leur est assigné pour le journal ou pour le site Internet. Si le temps le leur permet, une deuxième version peut être faite pour l’autre plate-forme.

Yann Pineau, responsable des nouvelles initiatives à La Presse, est bien clair sur les tâches des journalistes : c’est le journal ou Internet, pas les deux dans la même journée. « Si on demande un matin à un journaliste de nous faire un topo télé pour le site Internet, c’est là-dessus qu’il travaillera d’abord, explique-t-il. Par contre, il peut arriver que si son affectation est en matinée et que son deadline est pour midi, par exemple, on lui demande de faire un texte pour le journal. Mais jamais on l’obligera à faire le travail pour toutes les plates-formes. La qualité de l’information passe en premier ».

Avec la charge de travail de plus en plus prenante et les demandes de sortir la nouvelle le plus rapidement possible la crainte de voir souffrir la qualité de l’information devient omniprésente.

À Radio-Canada, les journalistes sont parfois appelés à travailler autant pour la radio, pour la télé que pour le web (carnets), le manque de temps et la rapidité de l’information sont les éléments qui posent problèmes. Le syndicat des communications de la SRC voit d’ailleurs son nombre de plaintes augmenter depuis quelques mois.

« Le site Internet se développe rapidement. RDI demande une présence plus importante des journalistes. Les patrons nous envoient couvrir telle conférence de presse ou tel événement en nous demandant de sortir la nouvelle le plus rapidement possible pour alimenter RDI et le web. Ce n’est plus l’époque où on devait faire un reportage pour le bulletin de 18h ou 22h. On a moins de temps pour faire nos recherches, pour valider nos informations auprès d’une deuxième source et avoir le plus de détails possibles sur le sujet. Alors ça donne des nouvelles plus superficielles et moins poussées. C’est dommage. C’est le public qui est perdant», estime Alex Levasseur, président du syndicat des communications de Radio-Canada.

Que souhaite-t-il d’ailleurs ce public, lui, qui a fait le changement et sélectionne à la carte ses nouvelles dans une logique fragmentaire. Les gens veulent que les nouvelles leur soient accessibles en tout temps. « Maintenant il faut adapter les topos et les textes au médium. On n’écrit pas une nouvelle web comme on l’écrit pour le journal. Quant aux bulletins de nouvelles diffusés à la radio et à la télé, ils devront être fragmentés sur le web. Les gens vont sur Internet pour voir un reportage ou avoir un complément d’informations. Ils ne veulent pas commencer à écouter le bulletin au complet. La logique web est indexée, fractionnée et les utilisateurs sélectifs», explique Lise Millette, journaliste du fil radio de la Presse Canadienne (PC).

Du côté de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ), sans renier le passage multi, on se préoccupe que les journalistes doivent payer pour l’évolution rapide des technologies et la transformation des médias en entreprises médiatiques.

« La même nouvelle peut se retrouver sur trois ou quatre plates-formes pour le même média que ce soit le journal, le web, ensuite en format audio et même en vidéo, ce qui n’est pas une mauvaise chose puisqu’on peut voir la même nouvelle sous plusieurs angles. Le problème est que l’effectif de chaque salle de nouvelles n’a pas augmenté. Ce sont les mêmes journalistes qui font tout », soutient Claude Robillard, secrétaire général de la FPJQ.

Avec cette multiplication des plates-formes, les demandes des employeurs de plus en plus importantes et un public qui choisit ses nouvelles comme si l’offre médiatique était en fait un gigantesque buffet, plusieurs se posent la question : doit-on baliser le travail du journaliste?