Les «morgues journalistiques», ces banques de textes rédigés en prévision du trépas d’une personnalité publique, ont été
allégées dans les derniers jours. Ces assurances rédactionnelles, qu’on appelle aussi “viandes froides”, sont
élaborées, souvent en saison creuse, pour tenter de prévoir l’imprévisible. Dans
le cas de Pierre Falardeau, certains avaient vu venir, pour ce qui est
de Nelly Arcan, la surprise a imposé une réaction plus rapide. Dans
les deux cas cependant, une fois les corps éteints, les feux de la rampe
se sont allumés.

Le 25 septembre, Pierre Cayouette, de L’Actualité, se fait demander : blogueras-tu sur Nelly Arcan? La réponse qu’il
suggère sur son blogue est la suivante : «Peut-on laisser le corps
refroidir avant de se lancer dans des analyses posthumes, ciel!
Qu’est-ce qui presse tant?». Cette réflexion rejoint un autre constat,
nos cimetières sont remplis d’êtres irremplaçables dont les souvenirs
resteront gravés dans la mémoire collective.

«L’acharnement des
médias à connaître les circonstances de la mort de Nelly Arcan
s’apparente d’ailleurs à mes yeux à une sorte de «viol». Les mêmes qui,
sans avoir lu ses romans, s’empressaient de la rapetisser en ne
retenant d’elle que son passé d’escorte, fouillent aujourd’hui sans
vergogne dans sa vie et se précipitent depuis ce matin sur ses œuvres
en y cherchant des passages prémonitoires. Wow! Méchante découverte!
Vous êtes vraiment trop forts!», écrivait Pierre Cayouette dans son
texte “La passion de Nelly Arcan“.

Ironie du sort, le
lendemain, il doit reprendre du départ. Vingt fois sur le métier
remettez votre ouvrage. Prise deux, il s’agit alors de Pierre Falardeau. Le texte s’intitule “La passion de Falardeau“. Dans ce cas, le
contexte est un peu différent, on diffuse un portrait paru en février
2001. Un papier qui reflète le personnage.

«Falardeau honnit
la majorité des journalistes, refuse les plogues ou les “papiers
lèche-cul” (sic), lève le nez sur la presse, y compris l’hebdo Voir –
«le catalogue Canadian Tire de la culture» – et les «magazines de
dentiste». «Souvent, je gueule contre les journalistes et les
cinéastes. Pour moi, le journalisme est une job très importante. C’est
sacré, noble. Même chose pour le cinéma et les arts. Mais quand je
regarde en général comment c’est fait, ça me déprime!»

À
l’heure où le vieillissement de la population annoncé deviendra une
donne qui se traduira par une multiplication du nombre de personnalités
qui passeront de l’autre côté, il est peut-être temps de réfléchir à la
manière dont nous aurons à vivre les deuils, d’un point de vue
médiatique.