Lock-out au JdeM: le ras-le-bol de 3800 journalistes

Une coalition de journalistes syndiqués et non syndiqués a interpellé ce matin la Caisse de dépôt et placement du Québec afin que, à titre de principale actionnaire de Quebecor Média, elle intervienne pour mettre fin au lock-out au Journal de Montréal qui dure depuis 640 jours.

Le rôle de la Caisse

Une coalition de journalistes syndiqués et non syndiqués a interpellé ce matin la Caisse de dépôt et placement du Québec afin que, à titre de principale actionnaire de Quebecor Média, elle intervienne pour mettre fin au lock-out au Journal de Montréal qui dure depuis 640 jours.

Le rôle de la Caisse

Le regroupement estime que la Caisse est complice du plus long conflit médiatique de l'histoire du Canada alors qu'elle a un rôle social à jouer dans la province. Elle réclame donc que son président, Michael Sabia, joue un rôle actif en forçant Quebecor à retourner à la table de négociation afin de favoriser une résolution rapide du conflit.

Michael Sabia, qui a déjà rencontré les travailleurs en lock-out du Journal de Montréal, a accepté de recevoir les représentants de la coalition dès cette semaine. Son institution a néanmoins les mains liées dans ce dossier. En effet, bien qu'elle détienne 45,3% des parts de Quebecor Média, elle ne peut élire que quatre des neuf administrateurs du conseil d'administration de l'entreprise. Elle a donc un faible pouvoir décisionnel au sein du conglomérat, expliquait La Presse Affaires il y a quelques jours.

De fait, la présidente de la Confédération des syndicats nationaux (CSN), Claudette Carbonneau, qui est membre du conseil d'administration de la Caisse et représente les travailleurs en lock-out du Journal de Montréal, a confié à Radio-Canada ne pas se faire d'illusion: «La Caisse a des politiques d'investissement responsable, mais, en même temps, ce n'est pas elle qui maîtrise les leviers de la direction quotidienne de l'entreprise. Disons que ce ne serait pas le premier organisme à qui M. Péladeau dit non.»

De plus, au plan strictement financier, l'investissement de 3,2 milliards de dollars de la Caisse dans Quebecor Media est fort profitable. Au terme du premier trimestre, alors que le conflit de travail durait depuis plus d'un an, Michael Sabia s'est en effet montré particulièrement satisfait des placements de la Caisse au sein du groupe.

La loi anti-briseurs de grève

Mais les journalistes n'en ont pas que contre la Caisse. Ils interpellent également les parlementaires en leur demandant de moderniser le Code du travail pour donner plus de mordant à la loi anti-briseurs de grève. Ils jugent qu'elle n'est plus adaptée au monde du travail, car elle implique l'embauche de travailleurs de remplacement sur le lieu physique du conflit de travail. Or, les nouvelles technologies permettent le travail à distance.

Le mois dernier, à la demande de la CSN, l'Assemblée nationale a adopté une motion demandant au gouvernement d'étudier cette possibilité, mais le dossier n'a pas avancé depuis, même si les jeunes libéraux eux-mêmes militent dans le même sens. Pour le professeur Alain Barré, qui enseigne le droit du travail à l'Université Laval, il est peu probable que le gouvernement accède à cette demande, car, dans un contexte de libre échange, elle nuirait à la compétitivité du Québec.

La concentration de la presse

Finalement, comme la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ), la coalition réclame la mise sur pied d'une commission parlementaire pour étudier le problème de la concentration de la presse. Elle souligne que «si Quebecor peut faire durer ce lock-out, c'est avant tout parce qu'il a entre les mains plusieurs médias convergents qui décuplent sa mainmise sur l'information au Québec» ce qui a «un impact sur la qualité du débat public et donc sur la santé de notre démocratie».

De fait, pour Alec Castonguay, le président du syndicat de la rédaction du Devoir, le conflit au Journal de Montréal touche toute la classe journalistique. À ce sujet, Alex Levasseur, le président du Syndicat des communications de Radio-Canada, s'est élevé contre la demande de Quebecor de fermer Rue Frontenac, le média en ligne créé par ses journalistes en lock-out: «Chaque fois qu'une voix s'éteint dans le paysage de l'information au Québec, c'est une voix de moins, des opinions de moins, une diversité de points de vue qui disparaît. Or tout ceci est extrêmement important pour une saine démocratie.»

Canaliser l'indignation

Réussissant des journalistes de Radio-Canada, La Presse, Le Devoir, Corus, ou encore du magazine Urbania et de l'Association des journalistes indépendants du Québec, le regroupement estime représenter 3800 professionnels de l'information. Les dernières offres de Quebecor, rejetées à 89,3% par ses journalistes en lock-out, ont été la bougie d'allumage de ce mouvement de ras-le-bol, orchestré par la journaliste indépendante, Émilie Dubreuil: «J'en avais assez de lire l'indignation générale sur Facebook et Twitter sans que ça soit organisé. Je trouvais qu'il était temps que les journalistes se mobilisent.»

La FPJQ a choisi de ne pas s'associer à la coalition, la jugeant essentiellement portée par des syndicats, a expliqué le président de la fédération, Brian Myles. Il s'est cependant réjoui de l'émergence de cette coalition qui s'inscrit dans le courant plus revendicateur qu'il souhaite insuffler à la profession depuis qu'il a été élu il y a un an.

 

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