Demain, comme chaque année le 3 mai, toute la planète célèbrera la journée mondiale de la liberté de la presse. L’occasion de se souvenir des journalistes emprisonnés, otages, et même morts dans l’exercice de leur fonction. L’occasion de rappeler le rôle primordial que jouent les médias dans l’exercice de la démocratie. L’occasion également de réfléchir au degré de liberté dont jouissent les artisans de l’information dans leur propre pays, leur propre province.
Par Hélène Roulot-Ganzmann
Demain, comme chaque année le 3 mai, toute la planète célèbrera la journée mondiale de la liberté de la presse. L’occasion de se souvenir des journalistes emprisonnés, otages, et même morts dans l’exercice de leur fonction. L’occasion de rappeler le rôle primordial que jouent les médias dans l’exercice de la démocratie. L’occasion également de réfléchir au degré de liberté dont jouissent les artisans de l’information dans leur propre pays, leur propre province.
Par Hélène Roulot-Ganzmann
Et en la matière, le Québec et le Canada seraient bien loin de pouvoir se féliciter, à en croire les principales associations de journalistes au pays.
«Bien sûr, si on se compare à la Russie des quinze dernières années ou à des pays dans lesquels des guerres sévissent et où des journalistes peuvent mourir juste parce qu’ils mettent un peu trop leur nez dans les affaires des gouvernements en place, on a de quoi se réjouir, analyse Pierre Craig, animateur de la Facture à l’antenne de Ici Radio-Canada Télé et président de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ). Effectivement, je ne risque pas de me faire assassiner. Ni moi, ni Alain Gravel à la tête d’Enquête, je crois, même s’il a déjà eu des menaces. Mais est-ce qu’on doit se comparer à ce genre d’endroits? Je ne crois pas.»
Pierre Craig croit au contraire que les journalistes exerçant dans des démocraties devraient, tout en chérissant leur liberté, ne rien laisser passer et faire pression pour que la liberté de la presse soit constamment améliorée, afin que les journalistes puissent constamment surveiller, entre autres, ce qui se passe avec l’argent public.
«Oui, c’est beau ce que nous avons au Québec, mais il faut développer notre liberté encore plus pour que ça fasse tâche d’huile sur le monde entier, estime-t-il. Ça ne pourra pas ne pas avoir d’effet sur le reste de la planète.»
Techniques en provenance du secteur privé
Et il y a matière à développer, que ce soit au Québec et au Canada, notamment en matière d’accès à l’information publique. À tel point que pour la quatorzième année consécutive, l’Association canadienne des journalistes (CAJ) mettra à jour la semaine prochaine, à l’occasion de son congrès annuel, son désormais célèbre Code du silence, pointant du doigt les organismes publics les moins transparents.
«Nous lançons d’ailleurs un appel à tous les journalistes qui ont eu maille à partir avec un ministère, une municipalité, un organisme utilisant des fonds publics», note Hugo Rodrigues, président du CAJ, qui regrette de ne pas avoir plus de candidatures alors même que le nombre exponentiel de courriels qu’il reçoit à ce sujet démontre une volonté de plus en plus grande de cacher l’information publique.
«De plus en plus, les organismes publics adoptent les techniques de mainmise sur l’information qui viennent du secteur privé, affirme-t-il. Et c’est vrai maintenant à tous les niveaux de gouvernement, municipal, provincial, fédéral. Rappelons que le gouvernement de Stephen Harper a remporté deux fois ce Code du silence: une fois en 2006, alors qu’il venait tout juste d’arriver au pouvoir, parce qu’il a tout de suite mis en place des routines de nature à entraver l’accès à l’information; une autre fois en 2012 car la situation est de pire en pire. Ça devient impossible aujourd’hui de téléphoner dans un ministère pour demander de l’information ou obtenir une entrevue. Les questions doivent être envoyées par courriel, les réponses nous sont données par courriel également. Elles sont incomplètes ou ne répondent pas à la question, etc.»
Même son de cloche de la part de Pierre Craig selon qui la situation est «catastrophique» au Fédéral, alors même que Stephen Harper s’était fait élire en fustigeant le manque de transparence du gouvernement libéral qui l’a précédé.
Vers un Québec plus transparent?
Philippe Couillard… en voilà un autre qui depuis qu’il est premier ministre du Québec a répété plusieurs fois vouloir faire de son gouvernement un modèle en matière de transparence. À tel point qu’il a nommé Jean-Marc Fournier, ministre responsable de l’accès à l’information. Une première.
«Ça a toujours fait partie des attributions du ministre de la réforme des institutions démocratiques, explique le président de la FPJQ. Mais que ça fasse partie de son statut, officiellement, clairement, c’est un geste fort. Nous allons donc laisser la chance au coureur, tout en restant très vigilants.»
Depuis son arrivée à la tête de FPJQ, Pierre Craig est sorti plusieurs fois pour condamner des atteintes à la liberté d’informer. Au niveau provincial, au sein des ministères, dont les services de communication servent selon lui plus à parfaire l’image des ministres plutôt qu’à donner l’information. Au niveau municipal également, alors que certains maires se comportent comme de véritables «roitelets», pour qui les journalistes ne devraient avoir d’autres fonctions que de relater leurs «bons coups».
«Rien d’étonnant là-dedans lorsque l’on sait que la loi d’accès, forte de ses cinquante exceptions, sert plus à retenir l’information qu’à la délivrer, accuse-t-il. Je vais le laisser s’installer mais très vite je souhaite rencontrer Philippe Couillard. Bien sûr Jean-Marc Fournier également, Pierre Moreau, nouveau ministre des affaires municipales et Hélène David aux communications. J’ai beaucoup de choses à dire à tous ces gens-là. Mais en premier lieu, je souhaite rencontrer leur chef rapidement. Car c’est à lui de donner l’impulsion. C’est à lui d’ordonner aux fonctionnaires de changer d’attitude et de pratiquer dorénavant la transparence.»
Peu de mobilisation
Dans un article publié en début de semaine dans le journal Le Devoir, Fabien Deglise rappelait effectivement à quel point le Provincial a développé une culture de l’opacité.
Le chemin risque donc d’être long, d’autant que la mobilisation, même au sein de la caste journalistique, est loin d’être forte, fustigeait quant à lui Patrick Lagacé, dans La Presse+ le 15 avril dernier.
«C’est un problème, confirme Hugo Rodrigues. Le sujet est tenu à bout de bras par un petit groupe qui n’a finalement pas beaucoup d’influence politique et qu’il est très facile de remettre à sa place sous prétexte d’activisme et d’extrémisme. Trop peu de Canadiens sont préoccupés par l’accès à l’information.»
À voir aussi:
Pierre Craig: lutter contre la culture du secret
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