Note de lecture de la Chaire de recherche en éthique du journalisme de l'Université d'Ottawa

Carolane Gratton, étudiante à la maîtrise en communication à l'Université d'Ottawa

Note de lecture de la Chaire de recherche en éthique du journalisme de l'Université d'Ottawa

Carolane Gratton, étudiante à la maîtrise en communication à l'Université d'Ottawa

Cette étude de cas porte sur l’évolution de trois valeurs journalistiques : la compréhension, la loyauté et la couverture de la communauté. Celles-ci sont abordées en tant que normes par l’auteure qui les définit comme l’obligation de couvrir les évènements de façon compréhensible, de favoriser l’intérêt public et de représenter la société dans son ensemble.

La chercheuse Magda Konieczna est une ancienne journaliste canadienne qui s’intéresse au rôle démocratique des médias à but non lucratif. Elle observe ici l’évolution de ces trois normes dans un contexte économique qui diverge de celui des médias commerciaux.

Selon la littérature scientifique, ces normes seraient plus susceptibles d’être affectées par la situation financière d’un journal.  C’est pourquoi une recherche de terrain de deux semaines auprès du journal internet américain à but non lucratif le MinnPost a été menée en 2011. L’observation du fonctionnement de sa salle de nouvelle et les entrevues avec ses journalistes ont permis à l'auteure de voir si ces normes sont discutées dans la salle de presse et, le cas échéant, de quelle façon elles sont intégrées dans le journal.

Durant la période étudiée, la question de la loyauté envers le public est mise de l’avant lorsque le MinnPost décide de mettre en place un sondage afin de déterminer la position du public quant aux responsables de la crise politique qu’ils vivent. Malgré un budget limité, les journalistes considéraient important de couvrir cet angle de l’histoire qui était marginalisé par les autres journaux. Ils souhaitaient ainsi compenser le manque d’information locale et donner la priorité à leur mission de loyauté envers le public en investissant dans ce projet non rentable.

Par contre, le mode de financement de ce journal fait parfois en sorte que l’intérêt du public  et la qualité de la couverture des évènements importants peuvent être négligés.  Ses revenus proviennent majoritairement de la publicité et de dons du public ou de fondations. Pour la publicité, il est possible de placer des annonces sur le site ou bien d’en subventionner une section particulière (sport, éducation, environnement, etc.). Une compagnie ou une fondation peut aussi accepter de financer une série de reportages reliée de près ou de loin à leur champ d’intérêt.

Cette situation ne devient problématique que lorsque ces arrangements préalables font en sorte que le nombre restreint de journalistes ne suffit plus à couvrir en profondeur des évènements importants. Ce fut le cas lors de l’impasse politique qui a entrainé la dissolution de la chambre des élus du Minnesota.

De plus, le MinnPost, dont le public cible est composé de gens hautement éduqués, financièrement aisés et politiquement engagés, ne semble pas rejoindre toutes les tranches de la société.

L’un des fondateurs du journal a expliqué qu’ils avaient choisi ce lectorat précis parce que les ressources limitées du journal ne leur permettaient pas de rivaliser avec les gros médias pour l’attention du public de masse. Cette orientation élitiste fait en sorte que la couverture de toute la communauté est parfois négligée à l’avantage d’une minorité.

Cette problématique se retrouve par exemple dans la section « voix de la communauté », qui équivaut à des lettres d’opinion. Ces contributions peuvent provenir d’autres journaux, de collaborateurs périodiques et parfois du public. Dans cette optique, il s’agit plus d’un endroit où des gens plus instruits peuvent échanger des points de vue que d’un forum de discussion ouvert permettant de couvrir « toute la société ».

Les médias à but non lucratif ont la possibilité de jouer un rôle démocratique important dans leur région, tel que le démontre la loyauté du MinnPost envers son public. Par contre, ils font aussi face à certaines limitations économiques qui peuvent affecter leur capacité à couvrir toute la communauté et à le faire en profondeur. Cependant, il est difficile de déterminer si cette différence dans les pratiques journalistiques représente une évolution des normes ou bien simplement une nécessité d’adaptation.

Il faut aussi considérer que cette recherche n’a eu lieu que pendant deux semaines et qu’elle s’est concentrée sur un seul journal. Son fonctionnement et ses pratiques ne sont pas forcément représentatifs de celle des autres médias à but non lucratif. De plus, une étude comparative du contenu journalistique entre ces médias et des médias commerciaux permettrait une analyse plus poussée de la situation.

Finalement, l’auteure mentionne qu’il sera intéressant de suivre l’évolution de la prochaine génération de journalistes. Le nombre grandissant de médias à but non lucratif va permettre à plusieurs d’entre eux d’y faire leurs premiers pas, contrairement à ceux d’aujourd’hui qui ont majoritairement commencé dans des médias commerciaux. Cela pourrait ouvrir la porte à des changements importants dans le monde journalistique.

*Source: Konieczna Magda (2013) « DO OLD NORMS HAVE A PLACE IN NEW MEDIA? », Journalism Practice, (Mis en ligne le 22 avril 2013)