Les médias anglophones intègrent mieux les communautés

À l’époque où il était président du Conseil des relations interculturelles, Arlindo Vieira a dirigé plusieurs consultations sur des enjeux reliés à la gestion de la diversité dans la société québécoise et dans l’agglomération montréalaise.

À l’époque où il était président du Conseil des relations interculturelles, Arlindo Vieira a dirigé plusieurs consultations sur des enjeux reliés à la gestion de la diversité dans la société québécoise et dans l’agglomération montréalaise. Aujourd’hui à la tête de la station communautaire Radio centre-ville, il s’attèle chaque jour à donner la parole à ceux qui ne l’ont que trop rarement dans les médias traditionnels.

Après avoir dressé un portrait de la situation, Projet J publie maintenant une série d’entrevues concernant la place des minorités dans les médias et ses répercussions sur la société québécoise.

Propos recueillis par Hélène Roulot-Ganzmann

Projet J: À quoi sert Radio centre-ville?

Arlindo Vieira: nous sommes depuis quarante ans l’unique radio communautaire multilingue de Montréal, donc celle qui reflète le mieux la réalité, la diversité, le cosmopolitisme de la métropole. Nous sommes la voix de ceux qui n’ont pas accès aux médias de masse, et de ce fait nous contournons les discrimination en favorisant l’intégration des nouveaux arrivants et les échanges interculturels.

Mais ne vaudrait-il pas mieux, pour le bon fonctionnement de la société, que tout le monde accède aux mêmes médias?

Idéalement, oui. Mais il y a la réalité. D’abord, il y a toute une population qui ne parle ni français, ni anglais, lorsqu’elle arrive à Montréal. Celle-là trouve de quoi s’informer, dans sa langue, et nous lui livrons notamment beaucoup d’informations pratiques. L’intégration, c’est tout un processus, ça prend du temps. Avant de partir à la découverte de leur nouvelle vie, les gens ont besoin de se sentir bien dans leur propre communauté, de prendre leurs marques. Tranquillement, ils vont aller vers d’autres médias. Encore faut-il que ceux-là leur fasse un peu de place.

Ce qu’ils ne font pas assez, selon vous?

Il y a des progrès, mais ils sont lents. Les anglophones sont un peu avancés dans ce domaine parce qu’ils se sentent redevables de l’apport des communautés qui ont, historiquement, plus adopté l’anglais que le français comme langue seconde. Du côté francophone, on est loin de refléter la réalité. On peut même regretter qu’il y ait une certaine stagnation ces dernières années. Les plus optimistes diront cependant que si l’on regarde vingt ans en arrière, la situation a évolué dans le bon sens, surtout dans la perception : les francophones voient aujourd’hui ce manque de visibilité comme une préoccupation, ce qui n’était pas le cas jusqu’à encore très récemment.

Radio centre-ville sert-elle aussi de rampe de lancement pour des journalistes et animateurs issus des communautés?

Assurément! Il y en a beaucoup qui sont passés par notre radio et qui travaillent aujourd’hui dans des médias généralistes. C’est une manière d’acquérir de l’expérience et de monter un CV. Si je prends juste un exemple parmi d’autres, Gilda Salomone, qui est aujourd’hui à Radio-Canada, est passée par radio centre-ville. Elle n’est pas francophone, elle a immigré adulte au Québec et elle est aujourd’hui bien établie et bien intégrée professionnellement. C’est un parcours qui nous donne espoir, même s’il reste beaucoup de chemin à parcourir.  

Au-delà de la frustration que peuvent ressentir les communautés, ce manque de visibilité a-t-il un impact sur l’ensemble de la société québécoise?

Je le crois! Il n’y a qu’à considérer à quel point le débat autour de la Charte des valeurs est différent à Montréal et en province. Dans la métropole, les gens ont l’habitude de côtoyer d’autres cultures, d’autres religions, d’autres symboles, de vivre à côté de femmes qui portent le voile par exemple, puisqu’il s’agit là du principal objet de grief. Ça change forcément la perception.

Ce débat sur la Charte est-il entré en ondes sur radio centre-ville?

Pas encore vraiment. Dans les émissions en langues étrangères, il a été abordé un peu, mais dans leur majorité, les communautés préfèrent laisser retomber la poussière et attendre le texte de loi pour se prononcer. Le débat n’est pas aussi vif parmi ceux qui sont les plus concernés, à savoir les membres des communautés culturelles, qu’au sein de la population québécoise de souche.

Radio centre-ville à Montréal: 102.3 FM

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