Jacques Rivet, Université Laval, Le Soleil

L’abondance de commentaires journalistiques de tout style agace et même exaspère la députée démissionnaire de Bourget, Diane Lemieux, selon les confidences qu’elle a livrées à l’émission Tout le monde en parle, le dimanche  30 septembre dernier. De fait, ils sont devenus une loquacité excessive de la communication publique qui a envahi l’espace médiatique au cours des dernières années. Le journalisme québécois cultive à nouveau l’opinion journalistique en étant, cependant, délesté de sa nature explicitement partisane de jadis. Les chroniqueurs ont supplanté les éditorialistes en tant que figures d’autorité de la parole publique. Deux tendances extrêmes délimitent cette loquacité à l’intérieur de laquelle s’insèrent les styles rédactionnels des chroniqueurs: ceux qui révèlent des faits inédits de coulisses et ceux qui parlent avant tout d’eux-mêmes pour se faire admirer, à l’exemple de l’illustre Pierre Foglia.

Gilbert Lavoie, journaliste très expérimenté, est un chroniqueur qui se rapproche davantage de la première tendance que de la seconde. Sa chronique du mardi 2 octobre 2007 intitulée «Le p’tit Coderre», laquelle faisait suite au conseil général de l’ADQ à Victoriaville, la semaine dernière, en est un exemple patent. Lavoie, posté «à l’arrière de la salle» où se tenaient les débats, a observé le comportement du député de Marguerite-D’Youville, Simon-Pierre Diamond, «(diriger) le trafic vers les microphones afin de bloquer les résolutions ».

Gilbert Lavoie livre au public de son journal des faits inédits de paroles et de comportements sur lesquels il fait reposer son interprétation de ce qui s’est passé :«(..) Dans un parti qui se veut plus démocrate que les autres, écrit-il, on aurait dû laisser la chance aux militants de défendre leurs idées.» Puis il pose un geste d’une remarquable équité : il téléphone au député Diamond pour l’informer de l’interprétation qu’il donne à son comportement. Celui-ci, précise  Gilbert Lavoie, «a reconnu avoir dirigé cette opération, mais a nié avoir tout bloqué.»

Le chroniqueur n’a pas perdu son sens éthique de la démarche du reporter : présenter les deux côtés d’une question pour une plus grande équité de l’information de presse. Et lorsque la chronique est appuyée sur des faits, particulièrement inédits, pour interpréter la signification sociale et politique des événements, elle se renouvelle elle-même au jour le jour. Et si en plus, elle donne simultanément la parole aux cibles qu’elle vise, elle met en pratique un principe d’équité de la communication publique. On doit donc conclure que, dans la présente chronique, Le p’tit Coderre a été un personnage politique de l’ADQ créé par l’équitable Lavoie.