Alors que les jeunes femmes sont majoritaires dans les écoles de journalisme, elles n’ont par la suite qu’une place minoritaire sur le marché du travail. Un constat qui a fait l’objet d’une table ronde lors de  la 97e conférence de l’Association pour l’éducation en journalisme et communication de masse (AEJMC), qui a eu lieu à Montréal au début du mois. Compte-rendu.

Par Héloïse Henri-Garand, stagiaire

Alors que les jeunes femmes sont majoritaires dans les écoles de journalisme, elles n’ont par la suite qu’une place minoritaire sur le marché du travail. Un constat qui a fait l’objet d’une table ronde lors de  la 97e conférence de l’Association pour l’éducation en journalisme et communication de masse (AEJMC), qui a eu lieu à Montréal au début du mois. Compte-rendu.

Par Héloïse Henri-Garand, stagiaire

«Nous sommes ici pour discuter du paradoxe qui veut que la présence dominante des femmes dans les écoles de journalisme soit en proportion inverse à leur présence sur le marché du travail: 66% des baccalauréat en journalisme sont obtenus par des femmes tandis que 66% des emplois dans les salles de rédaction sont occupés par des hommes », affirme Pam fine, professeure de journalisme à l'Université du Kansas.

«Parmi les 25 plus grands journaux, nous comptons seulement deux femmes au poste de rédactrice-en-chef. Dans 40% des salles de rédaction numériques, pas une seule femme n’apparait dans le top 3 des rôles de leadership. Pour ce qui est des salles de rédaction de télévision, 70% des directeurs de l'information sont des hommes», ajoute-t-elle.

Un portrait peu reluisant

Des chiffres qui concernent les États-Unis et qui s’appuient en majorité sur les informations rapportées par le Womens Media Center, un organisme américain qui publie chaque année un rapport annuel sur la situation des femmes aux États-Unis dans les milieux du journalisme et des communications en général.

«Ce qui ne fût que simplement mentionnés dans ce rapport, c'est que même si nous avons un programme très varié avec de nombreuses étudiantes, nous observons depuis un certain temps que les graduées de nos programmes se dirigent non vers le journalisme, mais plutôt vers des emplois en lien avec la publicité et les relations publiques, note Dwight Brooks, professeur et directeur à l’École de journalisme de l’Université du Middle Tennessee.

Une situation qui, selon certains panélistes, ne devrait pas être cachée aux étudiants et étudiantes.

« Nous agissons, au sein des écoles de journalisme, comme si la question du genre était inexistante. En conséquence, nos étudiantes, comme nos professeurs, ne peuvent ni reconnaître ni gérer les questions d’inégalité des sexes, explique Kim Golombisky, professeure agrégée du département des études féministes et de genre à l'Université de Floride du Sud. Il est de notre devoir de donner aux étudiantes les outils dont elles ont besoin afin qu’elles puissent identifier les éléments liés au sexisme dans les salles de rédaction du 21e siècle.»

Désintérêt et départs

Car, une fois leur diplôme universitaire en main, les femmes se dirigeraient davantage vers le marketing et les relations publiques que vers le journalisme.

Selon le rapport intitulé The Status of Women in the Media in 2014 :

  • 36.3 % des femmes graduées recherchaient un emploi dans le secteur de relations publiques.
  • 32.5 % des femmes graduées recherchaient un emploi dans le secteur du marketing.
  • 23.6 % des femmes graduées recherchaient un emploi dans le secteur de la télévision.
  • 16.5 % des femmes graduées recherchaient un emploi dans le secteur du journalisme.

Ce désintérêt des étudiantes envers le journalisme est jumelé au fait que de plus en plus de femmes professionnelles quittent le milieu après y avoir travaillé quelques années.

«Nous avons constaté que l’horaire rigide, les heures supplémentaires et les conflits entre le travail et la famille étaient les principaux motifs d’insatisfaction et de frustration, explique Kim Golombisky de l'Université de Floride du Sud. Mais la principale raison qui explique le départ des femmes seraient  la piètre qualité de l'environnement de travail, qui ne leur offrirait ni soutien ni encouragement.»

Il faut dire que ce portrait, déjà bien sombre, est noirci, et ce chez les hommes comme chez les femmes, par la récente crise du papier, qui contribue à l’insécurité ambiante du milieu de travail.

Une des réponses: l’entrepreneuriat

«Les femmes doivent se tourner vers l'entrepreneuriat afin de rétablir un certain contrôle sur leur horaire et sur leur vie, explique Michelle Ferrier, vice-doyenne à l'innovation et aux études supérieures au Collège Scripps de la communication en Ohio. Les femmes qui pratiquent l’entrepreneuriat le font afin d’avoir un équilibre travail-famille, d'avoir plus de contrôle sur leur environnement de travail et d’être capable de faire certaines des choses qu'elles n'avaient pas été en mesure de faire lorsqu’elles étaient dans le milieu du journalisme professionnel.»

Les réponses se trouveraient donc hors des chemins battus. En effet, les professeurs et experts de la conférence s’entendent sur une chose: le futur du journalisme, et de la femme dans celui-ci, sera dessiné par des entrepreneurs qui prendront l’initiative de développer des modèles médiatiques innovants.

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