Dans une lettre ouverte reprise ce matin par tous les principaux quotidiens du Québec et publiée par ProjetJ, la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) rappelle que le droit à l’information est fondamental et demande aux maires de permettre aux journalistes de faire leur travail afin qu’ils puissent continuer à jouer leur rôle de «sentinelle de la démocratie».
Par Hélène Roulot-Ganzmann
Dans une lettre ouverte reprise ce matin par tous les principaux quotidiens du Québec et publiée par ProjetJ, la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) rappelle que le droit à l’information est fondamental et demande aux maires de permettre aux journalistes de faire leur travail afin qu’ils puissent continuer à jouer leur rôle de «sentinelle de la démocratie».
Par Hélène Roulot-Ganzmann
Contacté par ProjetJ, Pierre Craig, président de la FPJQ, raconte comment l’idée de cette tribune lui est venue.
«Ça part de plusieurs anecdotes qui ont eu lieu le même jour, à savoir le lundi 20 janvier dernier. D’abord, on apprend que le maire Labeaume a refusé l’accès à son bureau à des journalistes qui arrivaient avec deux minutes de retard parce qu’ils avaient décidé de couvrir jusqu’au bout le point presse du chef de l’opposition. Deux minutes, les témoignages concordent… on ne parle pas d’un quart d’heure! Le maire de Québec leur a dit qu’ils avaient fait leur choix. Ça indique vraiment une volonté de punir ceux qui osent s’intéresser à ce que l’opposition a à dire.»
Le 20 janvier est aussi soir de conseil municipal dans plusieurs localités du Québec et le lendemain, la FPJQ a vent de plusieurs entraves à la liberté d’informer.
À Saint-Lambert, le nouveau maire s’adresse de manière intimidante à un journaliste de Radio-Canada qui veut installer un micro sur le bureau du conseil municipal.
«J’ai pu écouter l’enregistrement, témoigne Pierre Craig. Le ton du maire est extrêmement intransigeant: enlève ça de là, tu enlèves ça de là s’il te plait. Ça c’est le deuxième événement. Le troisième, c’est Candiac, où le maire interdit à un journaliste de prendre des photos. Le lendemain, on est en exécutif à la FPJQ, poursuit-il. On discute de tout ça, des prises de position qu’on avait élaborées, et on s’est dit qu’il serait peut-être temps de faire une lettre ouverte.»
Appel à légiférer
Lettre ouverte qui se retrouve ce matin dans les pages de tous les principaux quotidiens à travers le Québec et dans la plupart des hebdos.
« Le Devoir, puis La Presse ont accepté en premier, explique Pierre Craig. Avec ces deux là, ça a été ensuite plus facile de convaincre les autres. Mais avant de commencer notre tournée, on pensait que ce serait mission impossible de les avoir tous. Les journalistes gardent toujours une petite gêne pour parler des problèmes relatifs à leur métier dans leur média. Comme si nous nous trouvions en conflit d’intérêt. Mais il faut croire que nous sommes arrivés au bon moment. Peut-être qu’il y a eu un crescendo, ou d’autres entraves dont nous ne sommes pas forcément informés. Toujours est-il que tous les patrons de presse ce sont laissés convaincre.»
La lettre ouverte du président de la FPJQ se termine par un appel au gouvernement, aux différents partis d’opposition ainsi qu’aux maires eux-mêmes, afin qu’ils mettent tout en œuvre, y compris un cadre législatif plus précis, «pour permettre aux journalistes du Québec de jouer leur rôle: celui de sentinelles de la démocratie».
Dictature?
ProjetJ a tenté aujourd’hui d’avoir une réaction du ministre des affaires municipales Sylvain Gaudreault, ainsi que des différents chefs de l’opposition. En vain.
Par la voix de son directeur des communications et du marketing, François Sormany, l’Union des municipalités du Québec (UMQ) a pour sa part répondu que la jurisprudence reconnaît au maire ou toute personne qui préside les séances du conseil, le droit «d’interdire l’enregistrement des débats du conseil en vertu de son pouvoir de maintenir l’ordre et le décorum et ce, malgré le caractère public de ces réunions. La personne qui préside les séances peut aussi interdire l’usage de tout appareil permettant de filmer les débats ou de photographier les intervenants. Comme l’UMQ prône l’autonomie municipale, elle laisse donc à chaque conseil de prendre la décision qui lui convient», précise-t-il.
M. Sormany cite là les articles 332 de la Loi sur les cités et villes (LCV) et 159 du Code municipal du Québec (CM). Mais de ces deux articles, Pierre Craig retient surtout le caractère public des conseils.
«Et c’est quoi la définition de public? Dans le dictionnaire, je lis: qui concerne l’ensemble des peuples. Nous sommes en 2014, et avec les moyens d’aujourd’hui, ça signifie qu’on peut enregistrer et diffuser. Ceux qui répondent ce genre de choses oublient que nous sommes en démocratie. Heureusement qu’il y a des médias d’information pour surveiller ce que font les élus. Parce que lorsqu’il n’y en a pas, ça ne s’appelle pas la démocratie, mais la dictature.»
Situation inchangée depuis 2010
Comme le président de la FPJQ le rappelle dans sa lettre, ces trois événements du 20 janvier font suite à d’autres du même type survenus dans les dernières semaines, voire les derniers mois.
Un phénomène qui n’est pas nouveau, puisque tout juste élu à la tête de la FPJQ en 2009, Brian Myles avait déjà fait de la couverture municipale, un de ses grands chevaux de bataille. Focus qui avait donné lieu à un dossier noir du journalisme municipal publié en 2010.
«Or la situation est aujourd’hui exactement la même, regrette Pierre Craig. On peut reprendre toutes les recommandations formulées à l’époque, pas une n’a été mise en place.»
Parmi elles, la création d’un programme de formation au journalisme à l’attention des élus, qui existe bel et bien, mais qui explique plutôt comment établir des relations avec les médias. Autre grande demande laissée pour l’instant lettre morte, que le ministère des affaires municipales légifère clairement sur le droit à l’enregistrement des débats dans les conseils municipaux et sur l’accès facile et rapide aux procès verbaux.
«Autre chose, la loi oblige les municipalités à publier des avis légaux dans les journaux locaux, mais ne précise pas comment cette manne doit être distribuée. C’est un moyen de chantage pour les maires. Nous voudrions donc qu’il soit inscrit dans la loi, que cet argent doit être réparti de manière équitable entre les différents acteurs», explique Pierre Craig.
50 000 $ pour la liberté de la presse
Dans ce dossier, le nouveau président de la FPJQ risque donc d’avoir du pain sur la planche. En décembre dernier, la fédération avait d’ailleurs annoncé que 2014 serait celle de la liberté de presse, grâce notamment à une subvention de 50 000 $, annoncée par le ministre de la culture et des communications Maka Kotto.
«Nous allons faire un bilan de toutes les entraves à la liberté de presse au Québec, pouvait-on lire dans la lettre d’information du 5 décembre. Bilan qui sera accompagné d’une étude de faisabilité en vue de la mise sur pied et de la pérennité d’une task force juridique capable d’intervenir devant les tribunaux, dans les cas d'atteintes à la liberté de presse. À terme, ce projet vise à accroître la capacité de la FPJQ de défendre la liberté de presse sur le plan légal.»
Et à en croire les récents événements, les maires ne devraient pas être épargnés.
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La défense de la liberté de la presse, un combat de tous les instants
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