Labeaume mène la vie dure aux journalistes

Le maire de Québec, Régis
Labeaume, s’est livré à un échange musclé avec l’animatrice du
Téléjournal-Midi de Radio-Canada, Anne-Marie Dussault, cette
semaine, alors qu’elle tentait de l’interviewer à propos du futur
amphithéâtre de la capitale. Critiqué plusieurs fois par la
Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) pour
son attitude à l’égard de la presse, il a ainsi ajouté un autre
nom à son long tableau de chasse journalistique.

L’année dernière, il s’en
est pris à la journaliste Isabelle Porter, du Devoir, lui
reprochant de pratiquer «du beau journalisme de colonisé» alors
qu’elle tentait de le questionner pendant une conférence de presse
annonçant la résiliation du contrat du consultant en marketing,
Clotaire Rapaille. Récemment, mécontent des critiques concernant le
financement du futur amphithéâtre de Québec, le maire a à nouveau
reproché aux journalistes de mal faire leur travail, traité
Radio-Canada de «télépoubelle» et menacé les médias de
poursuites.

Absence d’opposition

La Fédération
professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) a vivement réagi
à cette salve contre la profession qu’elle qualifie de «manœuvre
d’intimidation aussi injustifiable qu’inacceptable». Elle a demandé
au maire de retirer ses menaces et l’a enjoint à s’adresser au
Conseil de presse du Québec s’il juge qu’un reportage contrevient
aux normes déontologiques du journalisme.

Mais pour le professeur
Thierry Giasson du département d’information et de communication de
l’Université Laval, l’appel de la FPJQ a toutes les chances de
tomber dans l’oreille d’un sourd. «Le maire Labeaume n’a pas
d’opposition, à part trois conseillers indépendants sans moyen, et
il n’accepte pas la critique qu’elle soit politique ou médiatique.»
Membre de l’équipe Labeaume, la conseillère municipale de
Saint-Sauveur, Geneviève Hamelin, n’est pas d’accord. «Je ne me
sens pas brimée dans ma liberté de parole», soutient-elle assurant
que les discussions sont très ouvertes au sein du caucus.

Le professeur Giasson juge
qu’à titre de premier magistrat de la Ville, le maire se doit de
s’élever au-dessus de la mêlée et de donner l’exemple. Or, «il se
comporte comme le maire d’une petite bourgade, alors qu’il est à la
tête de la seconde Ville de la province», dénonce-t-il.
Même son de cloche du côté du président de la FPJQ, Brian Myles:
«Imaginez l’exemple que ça donne aux maires des plus petites
villes, où les journalistes ne sont pas aussi nombreux et organisés
qu’à Québec. Il envoie le message qu’on peut brader l’intérêt
public pour assurer la défense de son image», a-t-il déclaré au
Soleil.

Cette déclaration n’est pas
s’en rappeler «le dossier noir de l’information municipale», publié
en novembre par la FPJQ. Dans ce mémoire, la fédération note que
«certains élus manifestent une réelle hostilité à l’égard des
journalistes ou de certains d’entre eux qu’ils perçoivent comme des
opposants politiques». Elle recommande donc que l’Union des
municipalités et la Fédération québécoise des municipalités
élaborent un programme de formation volontaire à l’intention des
élus.

Discours populiste

Cependant, le maire de
Québec est loin d’être démuni face aux médias, comme peuvent
l’être certains de ses confrères dénoncés dans le mémoire de la
FPJQ. «Il a fait des études supérieures, c’est un sociologue. Il
comprend parfaitement le rôle des médias», souligne M.Giasson.
L’équipe Labeaume compte par ailleurs plusieurs conseillers qui ont
eu à côtoyer les médias de prêt en œuvrant au gouvernement
provincial, ainsi qu’une ancienne journaliste du Soleil et
ex-présidente de la FPJQ section Québec, la conseillère du
district de la Chute-Montmorrency, Julie Lemieux.

Selon
Thierry Giasson, les relations houleuses du maire de Québec avec les
médias ne sont nullement liées à une méconnaissance du rôle des
journalistes. Elles sont le pendant du discours populiste
anti-élitiste et anti-institution qu’a adopté M.Labeaume à
dessein. Pour le chercheur, ce discours est très fort à
Québec au sein d’une certaine frange de la classe moyenne qui
s’estime persécutée par les élites et les institutions, dont les
médias font partie. Le maire a donc choisi son camp pour gagner du
capital politique.

La conseillère Geneviève Hamelin estime quant à elle que la
source des accrochages de son chef avec les médias est plutôt le
traitement journalistique. «Jamais je ne dirais que le traitement
journalistique est mauvais, mais il a évolué au cours des années
et on perçoit de plus en plus les opinions des journalistes dans
leur façon de couvrir l’actualité.»

Voir aussi:

Labeaume menace les journalistes

Ces maires qui bâillonnent la presse… au Québec

Caraquet impose des règles aux journalistes

Radio autochtone sous pression