La montréalisation de linformation ; mythe ou réalité?

Guillaume Sigouin-Miron et Maxime Rioux, Université Laval |

L’inquiétude de la «montréalisation» de l’information n’est peut-être pas aussi fondée qu’on pourrait le croire. Pour certains, cette tendance n’existe tout simplement pas. C’est le cas de Daniel Giroux, secrétaire général du Centre d’études sur les médias (CEM), qui a expliqué que «ce phénomène n’existe pas puisque l’information dite montréalaise n’a pas remplacé les nouvelles locales dans les autres régions du Québec».

Cette affirmation est fondée sur une analyse de contenu s’étalant sur quinze ans de trois quotidiens du groupe Gesca : Le Soleil, Le Quotidien et La Tribune. Selon Daniel Giroux, cette étude, qui paraîtra bientôt. Les chiffrent révèlent certes une augmentation des articles de La Presse.(1 515  textes de La Presse ont été repris dans Le Soleil entre mai 2004 et avril 2005 selon la Fédération professionnelle des journalistes du Québec) Toutefois, « ces articles n’ont pas remplacé l’information locale, mais plutôt les dépêches provenant des agences de presse » a souligné le secrétaire général du CEM. L’information régionale ne serait donc pas menacée puisqu’on ne l’a pas substitué à des articles provenant de la métropole. 
 
Autre élément permettant de douter de la «montréalisation» de l’information, une étude commandée par la FPJQ à l’automne 2008 soutenant que 80% du lectorat québécois croit que les sujets locaux et régionaux sont bien couverts par les médias de leur région. Plus étonnant encore, un deuxième sondage réalisé auprès des journalistes donne sensiblement les mêmes résultats.

Selon un article paru dans Le Soleil, le but premier de l’enquête de la FPJQ était de «valider une perception voulant que les choses allaient plutôt mal  pour l’information locale et régionale au Québec.» Les résultats ont donc validé l’inverse. C’est à croire qu’en effet la «montréalisation» de l’information n’affecte peut-être pas aussi négativement l’information locale des régions.

De plus, toujours dans le même rapport de recherche de la FPJQ, les statistiques indiquent que les  hebdomadaires ont une place importante dans les médias privilégiés de la couverture régionale. Le graphique ci-dessous présente les préférences des genres de médias fréquentés par la population à propos de l’information régionale.

FPJQ en ligne 2008

Selon l’étude du CEM, dans les hebdomadaires, détenus à 60% par Quebecor et Transcontinental, 95 % du contenu des hebdos est local. Le fait que 70% des revenus des journaux proviennent des annonceurs locaux y est sans doute pour quelque chose. En délaissant l’information locale, les groupes de presse risquent de perdre des lecteurs ce qui se traduirait par une perte d’annonceurs.

Pour Daniel Giroux, «il faut comprendre que les hebdos ont moins de ressources que les quotidiens, l’information y est donc moins fouillée et on y traite moins de sujets lourds». L’information «légère» (la vie communautaire, les sports, les arts et la culture) occupait 65% de l’espace de l’information en 2002 et 75% dans le cas des hebdos Québecor. Les nouvelles lourdes sur les affaires municipales, l’éducation et la santé sont donc placés au second plan pour laisser plus de place à la vie mondaine et culturelle locale qui est plus appréciée par le public.

Les conséquences du remaniement médiatique généré par la concentration des médias bouleversent le paysage de l’information classique. Selon le CEM les nouvelles locales sont, pour des raisons économiques et d’audimat, essentielles aux journaux. En revanche, la perception d’une information de plus en plus montréalaise transparaît davantage dans les grands médias de la télévision.