La FPJQ ébranle la ministre St-Pierre

Au terme des deux jours d'audiences qui ont eu lieu à Montréal vendredi et lundi dans le cadre de la consultation publique sur l'avenir de l'information, ProjetJ a rencontré la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine, Christine St-Pierre, pour faire le point sur l'évolution du débat.

Comment réagissez-vous aux deux jours d'audiences tenus à Montréal?

Au terme des deux jours d'audiences qui ont eu lieu à Montréal vendredi et lundi dans le cadre de la consultation publique sur l'avenir de l'information, ProjetJ a rencontré la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine, Christine St-Pierre, pour faire le point sur l'évolution du débat.

Comment réagissez-vous aux deux jours d'audiences tenus à Montréal?

Je réagis avec étonnement par rapport à la Fédération professionnelle des journalistes qui semble ébranlée par les commentaires qui circulent dans le milieu. On va les laisser cheminer. Nous aussi on va poursuivre la réflexion de notre côté. Mais le statut professionnel sera souhaitable à partir du moment où le milieu en voudra. Ce n'est pas notre intention, absolument pas, d'arriver avec une loi qui irait à l'encontre des intérêts des professionnels concernés.

Je laisse aller la réflexion encore, on va aller jusqu'au bout. Mais, je ne prétends pas qu'un titre viendrait tout régler. En France, il y a un statut de journaliste professionnel et il y a aussi des dérives. Cependant, je trouve que le débat que génère la consultation est très enrichissant.

Il m'apparaît y avoir un certain décalage entre les plus âgés et les plus jeunes. J'ai l'impression que les plus âgés (le résumé du mémoire du journaliste à la retraite Jean Dussault), qui sont peut-être avec des entreprises de presse très bien établies et qui sont connus, ne voient pas de problème et se satisfont de la situation actuelle. Mais les plus jeunes (le mémoire de la Fédération étudiante collégiale du Québec) semblent très intéressés et vouloir d'un titre. Ils semblent avoir plus de difficulté à faire leur place, à établir leur crédibilité, à se démarquer dans un milieu où plusieurs types de communicateurs se côtoient.

Considérez-vous que la FPJQ représente l'ensemble du milieu journalistique?

Non, mais il y a aussi le Syndicat des communications de Radio-Canada (SCRC) qui dit qu'il ne veut pas d'un titre. Il remet même en question le sondage fait par la FPJQ au printemps selon lequel la majorité de ses membres étaient en faveur d'un titre professionnel. La FNC par contre est pour. Le SCRC étant affilié à la FNC-CSN, c'est comme si les syndicats ne s'étaient pas parlés.

On va finir les consultations et réfléchir de notre côté. On va aussi discuter à nouveau avec la FPJQ, probablement après son congrès, pour voir où elle loge. Peut-être que le congrès va l'amener à revoir sa position. Mais, si le milieu, les grandes organisations aussi importantes que le SCRC et la FPJQ n'en veulent pas, on n'ira pas de l'avant.

La concentration de la presse n'est pas dans votre plan de consultation d'origine, mais le fait que tant d'organismes tapent sur ce clou vous incite-t-il à revenir sur votre position?

Ce n'est pas facile, mais il y a peut-être une façon de contourner la concentration de la presse. Je pense que si on donnait plus de force aux médias régionaux et aux médias communautaires, on ajouterait une voix. Ça ne règlerait pas le problème, mais ce serait un premier pas. Par ailleurs, le Conseil de presse et d'autres parlent d'avoir une loi qui obligerait les grands conglomérats à y adhérer, on devrait donc abandonner l'autoréglementation. C'est une avenue. Légalement, je ne suis pas sûre que ça tienne la route, mais le juge Gomery nous a dit qu'il avait deux avis juridiques favorables à nous remettre, alors on va voir.

Quand je dis que «la pâte à dent est sortie du tube», je fais référence au moment où le gouvernement Landry a décidé d'empêcher l'achat de Vidéotron par Rogers parce qu'il voulait que l'entreprise reste entre les mains d'intérêts québécois. C'est comme ça qu'on a abouti au problème actuel.

Ce que vous me dites c'est qu'on est pris avec un problème insoluble…

Je ne crois pas que l'État puisse intervenir à ce moment-ci. Je ne dis pas que c'est impossible, mais je ne vois pas ce que l'État peut faire. Je ne dis pas qu'il ne faut pas l'analyser, mais il faut garder à l'esprit qu'il y a des gestes qui ont été posés dans le passé qui nous ont amenés où on est. C'est vrai qu'il y a des engagements qui ont été pris par les entreprises de presse. C'est peut-être là qu'on peut agir, vérifier si ces engagements ont été respectés et forcer leur respect.

Le document de consultation propose la création d'une plateforme d'information régionale chapeautée par Télé-Québec. Les médias communautaires semblent très enthousiastes, mais du côté des patrons de presse, et je pense au mémoire du Soleil en particulier, l'idée ne semble pas plaire.

Ça ne me fait pas peur. Je pense que tout le monde peut avoir sa place au soleil. C'est faux de dire que les médias communautaires pourraient être une menace pour les plus grands si on les mettait ensemble. À mon avis, les médias communautaires sont essentiels dans le paysage. Ils apportent une certaine diversité des voix, ils rejoignent beaucoup de monde avec des sujets qui ne sont souvent pas abordés ailleurs. Ils font de l'information de proximité, ce que les grands médias ne feront jamais. Dans la région de Chaudière-Appalaches, par exemple, ils sont 400 000, mais on ne parle jamais d'eux à moins qu'il y ait un chevreuil écrasé.

Les médias communautaires s'intéressent aussi aux conseils municipaux. Dans la région de l'Outaouais, quelqu'un est venu nous dire que, grâce à la télévision communautaire, on amène le citoyen à prendre conscience de l'importance d'aller voter, c'est très important. Les élus peuvent aussi s'approprier ces médias pour aller faire rapport de ce qu'ils font et avoir le temps de s'exprimer. Ce sont des plateformes importantes pour les élus, toutes orientations politiques confondues. C'est essentiel pour la démocratie.

La diversité des voix, à Montréal en particulier, c'est aussi les médias anglophones (le mémoire de Beryl Wajsman et Michael Scochaczevski du Suburban). Or, le courant ne semble pas passer entre eux et votre ministère.

Pour moi, la diversité des voix ce n'est pas une question de langue. Si des communautés culturelles ont leur journal, quelle que soit la langue, jamais on ne va empêcher ça et imposer des règles.

Les médias anglophones ont véhiculé des faussetés. Certains ont fait une cabale partout au pays et ça a même débordé aux États-Unis. Plutôt que de venir chercher l'information auprès de nous, ils sont partis sur des impressions, ils n'ont rien vérifié, ils n'ont pas fait un traitement équitable de notre démarche. D'un côté, ils parlent de liberté d'expression, de protéger des droits, mais en même temps ils n'ont pas senti le besoin de faire leur travail adéquatement, c'est-à-dire d'aller aux sources. On leur a fait envoyer l'information, mais ils n'ont rien voulu entendre. Quand je vois les papiers qui ont été écrits dans le National Post, dans le Suburban, dans le Globe and Mail, même l'Association canadienne des journalistes, ça me choque. Ils n'ont rien compris.

En fait, c'est moi qui avais demandé à Mme Payette de se pencher sur la langue parce que la qualité de du français dans les médias francophones me préoccupe. Je trouve qu'il y a une dérive et je souhaite qu'on améliore la qualité de la langue française. Les anglophones se sont sentis visés, mais ce n'est pas eux qu'on visait du tout. Ce sont les francophones qui devraient se sentir visés.

 

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