La défense de la liberté de la presse, un combat de tous les instants

 

Brian Myles, président de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec

 

 

Brian Myles, président de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec

 

En cette Journée mondiale de la liberté de presse, la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) lance un appel pressant à la première ministre, Pauline Marois, pour accroître la transparence de l'État.

Au Québec, les journalistes ne sont pas emprisonnés dans des cachots infects, dignes de régimes dictatoriaux. Ils sont enfermés dans les dédales d'une bureaucratie gouvernementale qui considère malheureusement l'information publique comme sa chasse gardée.

Les journalistes québécois font régulièrement l'expérience de la «petite noirceur» qui empêche l'information de circuler et voile la vie en démocratie.

Les politiques de communication des organismes publics — et la multiplication sans limites des communicateurs et autres agents d'information — posent une chape de plomb sur la presse. Personne, au sein de l'appareil d'État, ne peut parler librement aux journalistes, sauf une poignée de «personnes autorisées». Des directeurs de corps de police ou de commissions scolaires refusent systématiquement d'accorder des entrevues aux journalistes.

Obsédés par le contrôle du message, les responsables publics manient une langue de bois qui est devenue la langue universelle pour mettre en boîte les journalistes.

Les élites locales, promptes à condamner le sensationnalisme de la presse, s'érigent parfois en potentats qui contrôlent d'une main de fer l'information émanant de leur municipalité. Les débats sont filmés à l'Assemblée nationale et aux Communes.  Mais plusieurs municipalités décident d'interdire la présence des micros et caméras. Montréal, qui devrait avoir d'autres chats à fouetter, traque ses cadres qui ont dévoilé à la presse ce qu'ils estiment être de mauvaises décisions en matière de lutte à la corruption.

Les lois d'accès à l'information, au Canada et au Québec, sont devenues des outils de contrôle de l'information à des fins politiques. Ces lois affirment que les documents des organismes publics sont accessibles à tous, sauf exception. Mais en pratique, les documents des organismes publics sont secrets, sauf exception.

Qu'il suffise de rappeler que l'historien Frédéric Bastien a dû recourir à la loi sur l'accès à l’information du Royaume-Uni pour obtenir des documents canadiens sur le rapatriement de la Constitution de 1982, documents qu'on lui refusait au Canada!

La Journée mondiale de la liberté de presse coïncide cette année avec un important chantier pour les journalistes et les citoyens. Sous le leadership du ministre responsable des Institutions démocratiques et de la Participation citoyenne, Bernard Drainville, les députés ont entrepris une révision de la loi québécoise sur l'accès à l'information.

L'Assemblée nationale, tous partis confondus, doit saisir l'occasion pour revoir de fond en comble cette loi qui accuse très mal le poids de ses 30 ans. Il est grand temps de passer à l'ère du gouvernement ouvert, et de se doter d'une loi digne d'une démocratie.

La circulation de l'information gouvernementale, un bien public, fait partie de la panoplie des remèdes pour venir à bout de la collusion et de la corruption. C'est grâce aux informations colligées par des journalistes d'enquête que s'est imposée la nécessité de faire la commission Charbonneau.

En cette Journée mondiale de la liberté de presse, il faut être solidaire de ces journalistes courageux qui risquent leur vie pour informer leurs concitoyens dans plusieurs pays du monde. Mais il ne faut pas négliger un nécessaire examen de conscience.

La liberté de presse est aussi malmenée quand les sources publiques se verrouillent derrière leurs politiques de communication et une loi sur l'accès à l’information pleine de contraintes. La défense de la liberté de presse, une liberté fondamentale, reste ici également un combat de tous les instants.