Le traitement excessif d’une nouvelle pendant plusieurs jours rapprochés est une forme de sensationnalisme. Par exemple, selon Radio-Canada, la « tragédie du collège Dawson a obtenu le poids médiatique le plus important avec 48 % de tous les articles ou reportages publiés au cours des premières 24 heures et 11,47 % en 7 jours. » (http://www.radio-canada.ca/nouvelles/societe/2006/12/19/001-dawson-couverture-media.shtml). Quand un thème est traité en abondance, la diversité de l’information s’en fait ressentir. Marc-François Bernier, professeur de communication à l’Université d’Ottawa, estime que ce choix entraîne ses conséquences. « [La] sélection de certains enjeux fait en sorte que des dizaines d’autres questions d’intérêt public seront laissées de côté et passées sous silence. »  (http://www.vigile.net/archives/05-9/21.html). Sous cet angle, le sensationnalisme et l’esprit commercial des médias sont des filtres qui éliminent les sujets potentiellement moins rentables ou attrayants. Guy Fournier, scénariste et ancien président du c.a. de Radio-Canada,  (http://www.magazineforces.com/news.html?L=0&nid=262), citant Vladimir Volkoff dans la plus récente édition du magazine Forces, affirme que « la course à l’Audimat […] privilégie fréquemment des sujets moins informatifs mais plus populaires. » Cela signifie que « dans les faits, la mission “noble” du journalisme […] pèse beaucoup moins que ne veulent généralement le reconnaître les professionnels de l’information. »

Toutefois, à trop vouloir traiter différents sujets, les médias risquent de ne les explorer qu’en surface, diminuant ainsi la qualité des informations présentées. Toujours selon Radio-Canada, « en 2006, le volume de nouvelles a augmenté de 12 % par rapport à 2005, mais les médias leur ont accordé 8 % moins d’espace et de temps d’antenne. » Ainsi, le sensationnalisme nuirait à la qualité de l’information en partageant l’espace médiatique entre plusieurs sujets qui ne sont pas autant exploités que le thème le plus vendeur. Certes, le sensationnalisme est lucratif. Le rôle d’entreprise de la presse est également de plus en plus visible à travers le traitement de l’information. Sur son blogue, Marc-François Bernier (http://metamedias.blogspot.com/2005_03_01_archive.html) explique que le public réalise que « certains [médias] mettent en évidence les stratégies de marketing […] qui encouragent les journalistes à susciter l’attention du public ». Paul Cauchon, journaliste au Devoir, confirme ce constat dans un de ses articles (http://www.ledevoir.com/2007/09/10/156223.html). « [Cette] nécessité de montrer ne devrait pas nous empêcher de nous interroger […] sur la concurrence que les médias se livrent. » Cette concurrence ne fait qu’étaler publiquement la logique marchande des médias en forçant chacun à dénicher un nouveau fait sensationnel. Guy Fournier abonde en ce sens en accusant les médias de ne plus « mettre les nouvelles en perspective ou de jauger leur importance relative [et] de monter en épingle celles qui sont le plus aptes à mousser les ventes. »

Les journalistes ne se cacheraient plus d’être sensationnalistes. Selon Jean Charron et Jean de Bonville, professeurs en communications à l’Université Laval, il semblerait que « les journalistes adopteraient plus volontiers et en plus grand nombre les valeurs “commerciales” qui animent leurs patrons. » (2002 : 899) Le professeur Bernier estime d’ailleurs « que la sélection et le traitement d’une information ne sont pas des décisions désintéressées ou orientées uniquement en fonction d’une certaine mission démocratique et de l’intérêt public », constat prouvant que le phénomène est observable. Ainsi, le journaliste « sensationnaliste » obéirait « à des critères qu’on ne retrouve jamais dans les codes de déontologie ou les politiques éditoriales mais qui ont tout à voir avec la promotion des intérêts (commerciaux ou politiques) des médias et de leurs journalistes. » (ibid).  La fusillade au Collège Dawson a d’ailleurs créé une controverse par la manière dont les journalistes ont couvert l’événement.  Cauchon rapporte que la mère d’une des victimes qualifiait l’insistance d’un journaliste de harcèlement. Bernier, dans une autre entrée de son blogue en 2001 (http://metamedias.blogspot.com/2001_09_01_archive.html), se questionne quant à lui sur le traitement d’informations publiées sur le lieutenant Piché en 2003. Le lieutenant avait dans le passé aidé à faire passer de la drogue de l’autre côté de la frontière, ce qui à l’époque avait causé tout un choc. « Fallait-il vraiment y consacrer la page UNE? Fallait-il vraiment publier des photographies des lieux? » Il s’agit de sensationnalisme quand ces questions auraient dû être répondues par la négative.

De plus, le sensationnalisme menace les journalistes de perdre la confiance du public. Aux dires de Bernier, « il y a lieu de croire que la méfiance augmentera au sein de notre société hypermédiatisée qui conduit à une saturation du citoyen bombardé de toutes parts de messages répétitifs apprêtés à la sauce de la concentration et de la convergence. » (2001) Paul Cauchon réfère à une étude menée en 2004 par le Consortium Canadien de Recherche sur les Médias visant à connaître la perception du public sur l’information. « Réponse stupéfiante: 92 % des Canadiens avaient indiqué qu’il y avait du sensationnalisme. Et 63 % des répondants avaient indiqué que cela minait leur confiance dans l’information. » Selon Bernier, « [le] traitement journalistique [des informations] ajouté à l’amplification des médias qui ont abondamment diffusé [une] nouvelle explique peut-être une partie de la vindicte du public qui estime que “trop c’est trop!” » Bref, les journalistes sont libres, mais « ils ne peuvent tout se permettre face à un public qui se méfie d’eux et doute qu’ils soient motivés uniquement par la «noble» mission de servir l’intérêt public. » (http://archives.vigile.net/05-9/21.html). C’est donc au public que revient le dernier mot. Quand celui-ci jugera que la limite est franchie, il forcera les médias à changer.

S’il semble de plus en plus visible que le journaliste intensifie certains faits  pour les rendre plus attrayants, ils ne donnent plus l’impression de se cacher de leurs motifs commerciaux.  Le public perd graduellement confiance dans les entreprises de presse, dont il voit la recherche du bénéfice et la tentative de supplanter les concurrents. Il reste à déterminer pourquoi le sensationnalisme paraît actuellement si naturel chez les journalistes. Cela relève peut-être de leur inconscience à le faire. Comme l’explique Bernier sur son blogue en 2005, « le sensationnalisme médiatique nous paraît donc être l’amplification temporaire de cette tendance naturelle des journalistes » à vouloir plaire à son employeur.  
 
Bibliographie

Bernier a, Marc-François. 10 septembre 2001. Une nouvelle d’intérêt public qui révèle cependant un malaise. MétaMédias. En ligne. http://metamedias.blogspot.com/2001_09_01_archive.html. Consulté le 2 octobre 2007.

Bernier b, Marc-François.  21 septembre 2005. L’affaire Boisclair : quand l’intérêt public se frotte à la méfiance du public. Le Devoir, édition du 21 septembre 2005. Vigile.net En ligne. http://www.vigile.net/archives/05-9/21.html. Consulté le 14 octobre 2007.

Bernier c, Marc-François. 10 septembre 2001. Le sensationnalisme en journalisme : excès de l’offre sur la demande? MétaMédias. En ligne. http://metamedias.blogspot.com/2005_03_01_archive.html. Consulté le 16 octobre 2007.

Cauchon, Paul. 10 septembre 2007. Le sensationnalisme, jusqu’aux prochaines funérailles. Le Devoir, édition du 10 septembre 2007. En ligne. http://www.ledevoir.com/2007/09/10/156223.html. Consulté le  8 octobre 2007.

Charron, Jean et Jean de Bonville. 2002. « Le journalisme » dans Denise Lemieux, dir. Traité de la culture. Québec, Éditions de l’IQRC, p. 889-907.
Fournier, Guy. 2007. La dérive des médias dans Magazine Forces, édition d’automne 2007, pp. 56-59.
Radio-Canada. 19 décembre 2006. 2006 : l’année Dawson. En ligne. http://www.radio-canada.ca/
nouvelles/societe/2006/12/19/001-dawson-couverture-media.shtml. Consulté le 21 octobre 2007.