Journalistes en vacances: difficile de décrocher totalement

Selon une analyse publiée aujourd’hui par Influence Communication, la basse saison de l’actualité démarre dès cette semaine avec un volume de nouvelles qui chute durant la troisième semaine de juin, selon les années, de 35 à 50%. Moins d’actualités donc, moins de journalistes aussi dans les salles de nouvelles, la fête de la Saint-Jean marquant le début d’un certain roulement au sein des rédactions. Un à un, les artisans de l’information vont prendre leurs congés estivaux… Mais en profitent-ils pour tout couper et décompresser complètement?

Selon une analyse publiée aujourd’hui par Influence Communication, la basse saison de l’actualité démarre dès cette semaine avec un volume de nouvelles qui chute durant la troisième semaine de juin, selon les années, de 35 à 50%. Moins d’actualités donc, moins de journalistes aussi dans les salles de nouvelles, la fête de la Saint-Jean marquant le début d’un certain roulement au sein des rédactions. Un à un, les artisans de l’information vont prendre leurs congés estivaux… Mais en profitent-ils pour tout couper et décompresser complètement? Pas si sûr.

Par Hélène Roulot-Ganzmann

Il y a ceux qui assurent parvenir à décrocher totalement et c’est le cas notamment d’Isabelle Hachey à La Presse. La récente nominée pour le prestigieux prix Albert-Londres affirme qu’en vacances, elle part à l’étranger, éteint son cellulaire, ne regarde pas ses courriels.

«C’est fondamental, raconte-t-elle, une question d’équilibre mental. Je décroche aussi totalement de l’actualité. L’an dernier, j’étais en congés aux États-Unis au moment du drame de Lac-Mégantic. J’ai su que quelque-chose de grave s’était produit. Mais je n’ai rien lu, rien suivi.»

Une hygiène de vie en vacances que peu de journalistes, à l’ère du téléphone intelligent, avouent être capables de maintenir.

«Je pars souvent à l’étranger mais je vérifie mes courriels une à deux fois par jour, explique Patrick White, éditeur et rédacteur en chef du Huffington Post Québec. J’essaye de couper au maximum, mais avec le WiFi partout, la tentation est grande. En revanche, je demande à mes journalistes de décrocher et c’est la politique chez AOL et au Huffington Post partout dans le monde. On insiste sur l’importance du sommeil par exemple, et on  ne dérange jamais personne en vacances, quelle qu’en soit la raison.»

Une rentrée plus en douceur

Alors oui, l’éditeur a quelque-part, enfoui en lui, la nostalgie d’une époque plus bucolique et plus relax où l’on n’était pas pendus au téléphone et où la frontière entre la vie personnelle et la vie professionnelle était plus nette.

«Mais c’était aussi plus complexe de se donner des rendez-vous, nuance-t-il. Et puis, le fait de lire ses courriels durant les vacances, de répondre aux plus urgents et d’être au courant des affaires courantes, permet aussi une rentrée plus en douceur, moins stressante.»

Paul Journet de La Presse compare quant à lui ses débuts de vacances à un post-partum.

«Ça me prend quelques jours pour déconnecter, avoue-t-il. C’est un peu comme après une campagne électorale, on est encore dans l’adrénaline. Après trois ou quatre jours, ça commence à aller mieux. Je ferme le BlackBerry, je ne le place plus en évidence devant moi sur la table, il est plutôt perdu au fond d’un sac ou dans une poche. Ce qui ne veut pas dire que je ne regarde jamais ce qui se passe. C’est d’ailleurs difficile de faire autrement puisque je reçois à la fois mes messages personnels et professionnels. Et je ne vais pas me couper de mes amis en vacances…»

Pour lui, la meilleure solution reste encore la réponse automatique d’absence de bureau. Ainsi, il laisse tous les courriels professionnels de côté … ou presque.

«C’est sûr que lorsque c’est une bonne source, je prends le temps de lui répondre. Et si ça semble urgent, je vais la référer à quelqu’un d’autre au bureau, avoue-t-il. En revanche, je me coupe très rarement de l’actualité totalement. Sinon, le retour est trop difficile, tu es complètement dépassé, il y a tout un  rattrapage à opérer.»

Pour ce courriériste à l’Assemblée nationale, qui ne prendra ses congés qu’en aout, le rythme s’est déjà sensiblement modifié depuis la fin des travaux parlementaires à Québec. À la salle de nouvelles à Montréal, il est plus sédentaire, la vie quotidienne est plus routinière, il y a moins de gros rushes, moins de périodes de calme également.

Quid des pigistes?

Le calme… voilà ce que recherche quant à lui le photoreporter indépendant, Valérian Mazataud. Pour celui qui part faire des reportages aux quatre coins de la planète, le voyage est plutôt synonyme de travail. Alors les vraies vacances, c’est lorsqu’il part en France dans sa famille, ou en chalet avec des amis.

«Si je reste à Montréal, c’est sûr que je vais répondre à mes courriels, assume-t-il. Il faut que je sorte de ce contexte pour réussir à décrocher. Ça ne veut pas dire que je ne regarde pas mes messages, ce serait trop dur de reprendre autrement. Mais je ne vais pas y répondre.»

En revanche, il est bien rare qu’il prenne des photos durant les congés qu’il s’accorde. Chose qu’il se fait souvent reprocher.

«Si je sors mon appareil, c’est l’œil du journaliste qui va reprendre le dessus, et ce ne sont alors plus des vacances, raconte-t-il. Mais bien sûr, si je me trouve par hasard sur un événement qui me semble important, je vais faire des photos et essayer de les vendre.»

«Comme entrepreneur et comme pigiste, c’est très difficile de déconnecter totalement. Personne ne prend les messages, ni ne fait le travail à ta place!», confirme Mariève Paradis, ex-présidente de l’Association des journalistes indépendants (AJIQ), qui vient de lancer son propre média, Planète F, et qui profite de ses congés… pour travailler!

«Mes vacances, je les passerai avec ma famille en Gaspésie, à mettre à jour le Guide de voyage Ulysse Bas-Saint-Laurent – Gaspésie. Mais je resterai au bout de mon téléphone et d’internet pour Planète! Je me réserve cependant un moment pour décrocher à l’automne, en novembre probablement.»

En camping dans le bois pour tout couper…

Difficile donc de décrocher en tant que pigiste… en tant que surnuméraire également. Puisque l’été, lorsque tous les permanents prennent leurs congés payés, c’est là qu’ils peuvent engranger des heures.

À La Presse Canadienne, Hugo Prévost s’accordera… trois jours de vacances, en plus des journées où il ne sera pas à l’horaire.

«Même si l’été il y a plus de travail, ça ne signifie pas que j’ai un temps plein, précise-t-il. Mais je ne suis pas pour autant en congés puisque ces jours-là ne me sont pas payés. Parfois, ça me pèse de voir tout le monde partir, j’aimerais bien avoir des congés payés et pouvoir décider de m’arrêter plus longtemps sans culpabiliser. Alors, pour bénéficier le plus possible des rares jours off que je prends, je coupe complètement. Je pars en camping dans le bois, là où il n’y a pas de réseau, pas de journaux, pas de courriels et pas Twitter.»

 Surnuméraire à Radio-Canada, Vicki Fragasso-Marquis est dans la même situation. Mise à part une petite semaine qu’elle s’accorde pour partir à Londres… tout en espérant revenir avec un sujet à vendre, elle passera l’été dans la salle de nouvelles du diffuseur public. Une situation qui ne semble pourtant pas la frustrer.

«Je commence dans le métier et je suis tellement contente de travailler!, raconte-t-elle. C’est comme dans le temps des Fêtes, où ce sont pendant les jours de Noël et de la nouvelle année qu’il y a des heures à prendre. Mais quand on choisit ce métier, on ne s’attend pas à avoir un horaire très stable, au moins au début. Et puis, quoi qu’il arrive, je sais que je ne serais pas capable de tout couper, ajoute-t-elle. J’aime tellement ce que je fais, j’aime tellement l’actualité. Même si j’obtiens un jour un poste permanent avec congés payés à la clé, je ne me vois pas tout couper pendant plusieurs semaines.»

Pour lire l’analyse complète d’Influence Communication, c’est ici.

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