Il y a une vie après le journalisme

Si la plupart des journalistes qui quittent le métier s’en vont vers les relations publiques, l’enseignement ou la politique, certains choisissent au contraire une voie qui semble à des années lumières de leur vocation initiale. ProjetJ s’est entretenu avec quelques-uns d’entre eux.

Durant tout le mois de juillet, ProjetJ s’est intéressé à ces ex-journalistes qui ont décidé de quitter le métier. Voici le dernier article de la série.

Par Hélène Roulot-Ganzmann

Si la plupart des journalistes qui quittent le métier s’en vont vers les relations publiques, l’enseignement ou la politique, certains choisissent au contraire une voie qui semble à des années lumières de leur vocation initiale. ProjetJ s’est entretenu avec quelques-uns d’entre eux.

Durant tout le mois de juillet, ProjetJ s’est intéressé à ces ex-journalistes qui ont décidé de quitter le métier. Voici le dernier article de la série.

Par Hélène Roulot-Ganzmann

Lorsque la salle des nouvelles de TQS ferme, le 21 aout 2008, Nancie Ferron et Daniel Joannette ont déjà en tête leur projet d’entreprenariat.

«C’était une idée de Daniel de se réapproprier ses terres, raconte ce visage bien connu du petit écran québécois. Lorsque Remstar nous a tous mis au chômage, mon conjoint s’apprêtait à demander un congé sans solde d’un  an, et moi, je souhaitais rendre ma permanence pour avoir un statut de pigiste. Ça faisait déjà deux ans que nous travaillions sur notre projet de champs de lavande. Nous n’avons donc pas été personnellement catastrophés par la décision de TQS. On l’a plutôt interprétée comme un signe du destin.»

Neuf mois plus tard, le couple ouvre la première boutique Pure lavande à Saint-Eustache, puis les visites guidées des champs commencent.

«On avait sans doute le gout de l’aventure, poursuit Nancie Ferron. C’est vraiment le fun de mettre au monde un tel projet. Et puis, on voulait éliminer certains irritants comme le temps de transport, étant donné que vous vivions déjà à Saint-Eustache. Le fait d’avoir des patrons aussi, la routine qui s’était installée dans notre métier après vingt ans. Et puis lorsque nous sommes partis, l’industrie en était au tout début de la méga-transformation dans laquelle elle se trouve aujourd’hui. Nous avions de la chance à TQS parce que nous n’avions pas de réseau en continu, mais il fallait quand même alimenter les autres plateformes, être tout le temps dans la performance. En tant que femme d’affaires aussi… mais sans le jugement d’un patron, et ça fait toute la différence.»

Encore de belles propositions

Nancie Ferron n’a pas pour autant décroché brutalement du journalisme. Elle a continué à piger et à faire des chroniques. Des tâches qui ne lui prenaient pas beaucoup de temps étant donné son expérience. Mais aujourd’hui, l’entreprise exige d’elle un temps complet, et elle a fini par rompre totalement avec le métier.

«J’ai encore des belles propositions parfois, précise-t-elle. J’en ai étudié. Mais ça me demanderait de déléguer certaines de mes fonctions dans l’entreprise. Je pèse le pour et le contre mais pour l’instant, je prends bien trop de plaisir dans ce que je fais pour replonger.»

Elle avoue cependant que le journalisme lui sert tous les jours. Parce qu’elle sait faire des recherches, trouver de l’information, des conseils, faire appel à des experts.

«Je ne nie pas non plus que notre notoriété a pu nous aider, note-t-elle. Les gens sont contents de nous voir, ils prennent des photos avec nous, ils nous tutoient, on fait partie de la famille.»

Grand temps de changer

Guy Madore. En voilà un autre qui a voulu couper dans le temps de transport en décidant de travailler là où il réside, à Magog, dans les Cantons de l’Est, tout en prenant le contrôle de sa destinée. Son électrochoc à lui? Le lock-out au Journal de Montréal.

«Quand ça fait un an que tu es dans la rue, tu commences à te poser des questions sur ton futur, raconte-t-il. Je ne voulais pas déraciner ma femme et mes enfants en venant m’installer à Montréal. Alors, pour faire les aller-retour, il me fallait de très bonnes conditions de travail. J’ai vite compris que ce n’était pas vers ça qu’on s’en allait et j’ai donc, pendant le lock-out, repris des études pour devenir courtier immobilier. Quand le conflit s’est terminé, ma décision était déjà prise, j’ai laissé passer mon tour.»

Courtier immobilier? Quelle drôle d’idée! Guy Madore répond qu’il avait un frère dans le milieu, qu’il connaissait le métier et savait qu’il aurait les qualités pour le faire. Il avait aussi un peu de réserve financière. Dans un autre contexte, il serait certainement encore dans le journalisme. Déjà en 2005, il aurait pu bifurquer, mais la passion était trop forte. Cette fois, il trouvait que les conditions d’exercice se dégradaient un peu partout et qu’il était grand temps de changer.

«J’adorais mon métier, ce sont vraiment les circonstances qui m’ont poussé vers la sortie, affirme celui qui sur son profil Twitter, se présente encore comme un ex-journaliste. Certaines des mes compétences de journaliste me servent d’ailleurs aujourd’hui encore. Je sais écrire des descriptions accrocheuses, j’ai de la facilité à approcher le client. Ce qui est très différent et que j’ai dû apprendre, ce sont les notions de vente, savoir négocier. Mais c’est certain que mon background m’aide. Pour vendre une maison, il faut entretenir une relation de confiance avec le vendeur et avec les acheteurs potentiels. Placer qu’on a été journaliste dans une autre vie, ça pose un homme.»

J’agis

Devenu président de la Société de transport de Montréal (STM) après sa défaite aux élections municipales, Philippe Schnobb affirme lui aussi que sa carrière de journaliste lui est d’une aide précieuse.

«J’ai la capacité de comprendre des dossiers et des enjeux rapidement, explique-t-il. D’aborder des sujets très variés, de construire un message, de communiquer, de saisir les nuances, de poser les bonnes questions à mes collaborateurs. Je continue également à vouloir disposer de deux sources au moins avant de prendre une décision, je souhaite obtenir les documents de base. La différence en revanche, c’est que là où je suis, je ne suis plus un simple observateur, j’agis. Les décisions que je suis amené à prendre ont un impact sur la vie quotidienne de centaines de milliers de personnes.»

En juin 2013, Philippe Schnobb annonçait prendre un congé sans solde pour se lancer en politique municipale aux côtés de Denis Coderre. En novembre, c’est la défaite. À 50 ans, il estime cependant que c’est le moment de bifurquer et il ne souhaite pas reprendre sa place à Radio-Canada. Quelques semaines plus tard, il est nommé à la tête de la STM. Il donne alors sa démission au diffuseur public.

«D’un point de vue humain, faire une campagne électorale est une expérience extraordinaire, affirme-t-il. J’ai parlé à tellement de gens. Ils vous confient leurs problèmes. Je regrette de ne pas avoir été élu parce que j’avais identifié des choses que j’aurais voulu changer. Rien ne dit que je ne tenterai pas une nouvelle fois l’aventure. Mais je n’ai aucun plan pour redevenir journaliste. Je ne regrette pas de l’avoir été, mais je suis passé à autre chose.»

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