Hackgate: c’est possible chez nous, selon 40% des Canadiens

Un canadien sur quatre est d'avis que les médias d'ici ne sont pas à l'abri d'un scandale similaire à celui qui a mené à la fermeture du tabloïd News of the World (NOW), selon un sondage Ipsos Reid commandé par la Fondation pour le journalisme canadien, éditrice de ProjetJ.ca et J-Source.ca. Dans ce contexte, la majorité des canadiens estiment qu'il est nécessaire d'encadrer la profession journalistique.

Un canadien sur quatre est d'avis que les médias d'ici ne sont pas à l'abri d'un scandale similaire à celui qui a mené à la fermeture du tabloïd News of the World (NOW), selon un sondage Ipsos Reid commandé par la Fondation pour le journalisme canadien, éditrice de ProjetJ.ca et J-Source.ca. Dans ce contexte, la majorité des canadiens estiment qu'il est nécessaire d'encadrer la profession journalistique.

Le journal britannique du groupe News Corp., appartenant à Rupert Murdoch, a mis la clef sous la porte en juillet. Il est accusé d'avoir piraté les messageries de plus de 4000 personnes, dont celles de victimes des attentats de Londres de 2005, de proches de soldats morts en Afghanistan et en Irak, avec la collaboration de policiers à qui des pots-de-vin ont été versés. Rebaptisée le Hackate, l'affaire a éclaboussé tout l'empire Murdoch, qui compte notamment le Wall Street Journal et le Times. Critiqué pour ses liens avec plusieurs cadres du conglomérat, le gouvernement de David Cameron a lui aussi pris pour son rhume dans ce dossier.

Seulement 16% des Canadiens estiment qu'un tel scandale n'est pas possible au Canada et 44% sont incertains. Mais 40% sont convaincus que les médias d'ici utilisent les mêmes méthodes que le défunt NOW. Parmi eux, 71% croient que les journalistes ont recours à la fois aux écoutes téléphoniques illégales et aux pots-de-vin en échange de renseignements confidentiels. 38% pensent que les écoutes ont lieu «tout le temps», 53% «parfois», et 9% «rarement». Quant aux pots-de-vin, 46% croient qu'ils se font «tout le temps», 51% «parfois» et 3% «rarement».

Ces chiffres corroborent le Baromètre des professions de Léger Marketing qui révélait récemment que seulement 39% des Québécois font confiance aux journalistes. Ils vont également dans le même sens que les données 2010 du Baromètre des médias de la Chaire de recherche en éthique du journalisme (CREJ) de l'Université d'Ottawa selon lesquelles moins de la moitié des Québécois croient que les journalistes sont indépendants. 46% estiment qu'ils résistent aux pressions des partis politiques et du pouvoir politique et 44,6% pensent qu'ils résistent aux pressions de l'argent.

Le public veut des règles

Le professeur Marc-François Bernier, responsable de la CREJ, est lui aussi d'avis qu'il y a un risque réel qu'un scandale comme celui qui secoue la presse britannique éclate de notre côté de l'Atlantique. «La course au scoop, authentique ou contestable, combinée à son exploitation maximale, rendue possible par la concentration et la convergence, peut en inciter certains à transgresser aussi bien les lois que les principes éthiques et les règles déontologiques qui en découlent», écrit-il dans le plus récent numéro du Trente. Outre la concurrence et l'obsession de la rentabilité économique, il pointe la proximité des élites politico-médiatiques et l'autorégulation défaillante sous l'égide d'un Conseil de presse fragilisé depuis que Quebecor en a claqué la porte.

Justement, questionnés à savoir si les journalistes canadiens devraient être encadrés par une certaine forme d'accréditation garante de certains standards pour exercer leur métier, 56% des Canadiens répondent oui. À l'inverse, 44% ne jugent pas nécessaire de réglementer la profession, car ils sont d'avis que les journalistes ont des employeurs qui ont évalué leur compétence et leur talent, savent ce qui est le mieux pour leur type de média et peuvent donc les congédier s'ils font mal leur travail. Cette opinion tranche avec celle que défend l'Association Canadienne des journalistes (ACJ) qui s'oppose à l'adoption d'un statut de journaliste professionnel. La Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) et l'Association des journalistes indépendants du Québec (AJIQ), pour leur part, sont toutes deux en faveur.

Proposée par le Rapport Payette sur la base d'une vaste étude menée auprès des acteurs du milieu l'année dernière, la régulation de la profession fait actuellement l'objet d'une consultation publique organisée par le ministère québécois de la Culture, des Communications et de la Condition féminine. Le gouvernement demande l'avis des citoyens quant à la création d'un statut de journaliste professionnel et la consolidation du Conseil de presse, gardien d'un code de déontologie commun à tous les détenteurs d'une éventuelle carte de presse. Si l'idée a reçu l'aval de la majorité des journalistes membres de la FPJQ, elle fait cependant sourciller ailleurs au Canada. Le Toronto Star, le National Post, le Globe and Mail et le groupe Sun se sont tous prononcés contre. 

 

Le sondage Ipsos Reid a été effectué en ligne auprès de 1014 adultes canadiens entre le 6 et le 1o octobre. Sa marge d'erreur est de plus ou moins 3,1%, 19 fois sur 20.

La Fondation pour le journalisme canadien tiendra demain, à Toronto, une table ronde intitulée «Retombées du Hackgate: Avons-nous besoin d'une régulation?».

 

Voir aussi:
Les Québécois font-ils confiance aux journalistes?

Le Winnipeg Sun accusé de verser dans la propagande