Il aura suffi de poster une annonce sur le forum de l’Association des journalistes indépendants du Québec (AJIQ) pour se rendre compte du nombre impressionnant de rédacteurs en chef qui travaillent… à la pige! Car si ProjetJ s’est entretenu avec quatre d’entre eux seulement pour les besoins de ce reportage, le message a reçu une quinzaine de réponses, la toute dernière arrivant au moment même où ces lignes sont en train d’être écrites.
Par Hélène Roulot-Ganzmann
Il aura suffi de poster une annonce sur le forum de l’Association des journalistes indépendants du Québec (AJIQ) pour se rendre compte du nombre impressionnant de rédacteurs en chef qui travaillent… à la pige! Car si ProjetJ s’est entretenu avec quatre d’entre eux seulement pour les besoins de ce reportage, le message a reçu une quinzaine de réponses, la toute dernière arrivant au moment même où ces lignes sont en train d’être écrites.
Par Hélène Roulot-Ganzmann
Et ce que la plupart de ces messages disent, c’est qu’à l’instar de ce qui se passe à la pige en général, le principal problème de ce type de contrats, c’est qu’ils ne sont pas très payants. L’un d’entre eux, sous couvert d’anonymat, estimant que les patrons se permettent des tarifs si scandaleusement bas parce qu’ils les proposent à des journalistes, chose qu’ils ne pourraient pas faire s’ils devaient s’octroyer les services d’un consultant.
[Paragraphe suivant modifié à la demande du témoin]
«J’ai repris ce travail d’une personne que je connaissais, explique Myriam Daguzan-Bernier, chef de pupitre musique au nightlife.ca. Étant donné l’ampleur de la tâche, qui me prend entre 10 et 15 heures par semaine, j’ai d’abord été surprise que ça se passe comme ça, qu’il n’y ait pas quelqu’un qui gère la rubrique en interne. Mais ce qui m’a le plus étonnée, c’est le tarif du forfait. J’ai accepté le poste parce que j’ai réussi à me faire augmenter. Mon «salaire» sera par ailleurs revu à la hausse en juillet, mais je ne sais pas encore à quelle hauteur.»
Ceux qui se plaignent le plus sont ceux qui reçoivent un forfait tout compris, à la fois pour le travail de rédaction en chef, trouver les sujets, les attribuer à des pigistes, relire les textes, les éditer, revoir la maquette, etc., et les articles qu’ils écrivent eux-mêmes. Dans le cas contraire, le fait de pouvoir s’octroyer certains reportages permet de faire monter quelque peu la facture.
Mais cet aspect financier mis de côté, les avantages d’être rédacteur en chef à la pige ne semblent pas manquer, pour des journalistes indépendants, souvent contents de l’être et de le rester.
«Ça fait douze ans que je suis journaliste pigiste et j’ai travaillé pour presque tous les médias importants au Québec, affirme Simon Diotte, qui est depuis septembre dernier, rédacteur en chef d’Oxygène, un nouveau magazine plein air. Ce qui est emballant, c’est que ça me permet de mettre d’autres cordes à mon arc. Les journalistes qui travaillent au sein de salles de nouvelles sont souvent amenés à faire d’autres tâches que d’écrire. À la pige, c’est rare. Être rédacteur en chef me permet de développer de nouvelles compétences.»
Liberté et opportunités
De son côté, Guillaume Roy est rédacteur en chef du trade, Opérations forestières.
«L’intérêt, c’est d’avoir une pige récurrente, donc une rentrée d’argent assurée, estime celui qui travaille depuis Saint-Félicien au Lac-Saint-Jean et qui s’est spécialisé dans le reportage plein air. On peut aussi profiter de quelques avantages. Par exemple, je suis parti l’an dernier en Gaspésie, tout frais payé pour les besoins d’Opérations forestières. J’ai exploité ce voyage pour faire des reportages pour d’autres clients. Plus on voit du pays, plus on a de bonnes idées d’articles.»
Yves Ouellet collabore quant à lui depuis vingt-cinq ans à Motoneige Québec, le magazine de la Fédération des clubs de motoneigistes du Québec (FCMQ), et en est le rédacteur en chef depuis une dizaine d’années. Pour ce journaliste ayant une trentaine d’années d’expérience, ce travail génère 25 à 30% de ses revenus. Le reste est essentiellement comblé par des reportages voyage et plein air, principalement pour les titres du groupe Gesca.
«Je n’ai jamais cherché du travail permanent nulle part, explique celui qui a souvent supervisé le bouclage de Motoneige Québec aux quatre coins du monde. Pour moi, c’est ça la vraie liberté. J’ai aussi un rapport privilégié avec mon éditeur qui me fait une confiance aveugle et qui n’intervient jamais dans mes choix. Dans les premières années, je venais à Montréal pour faire les bouclages mais ce n’est même plus le cas. Je vis à Chicoutimi et le reste de l’équipe, je ne la rencontre plus que sur le terrain durant la saison hivernale.»
Sentiment d’appartenance?
Mais justement, le fait de ne pas faire partie physiquement d’une équipe permet-il de développer le sentiment d’appartenance inhérent à tout travail de rédaction en chef? Oui, à en croire les répondants…à quelques nuances près cependant.
«C’est sûr que je n’ai pas le même sentiment d’appartenance que celui que je peux avoir pour le blogue que j’ai fondé, ma mère était hipster, explique Myriam Daguzan-Bernier. Cela dit, je rencontre quand même le reste de l’équipe lors des réunions mensuelles. Et puis quoi qu’il en soit, je suis quelqu’un qui m’investit dans tout ce que je fais.»
«J’ai toujours un sentiment d’appartenance avec les publications pour lesquelles je travaille, affirme pour sa part Simon Diotte. Alors, raison de plus lorsque j’en suis le rédacteur en chef. Et puis, je ne vais pas bouder mon plaisir: c’est quand même fun de pouvoir se présenter dans certains événements en tant que rédacteur en chef. Les regards changent, ça place… même si la personne en face ne sait pas exactement ce que ça représente.»
Par souci de transparence, l’auteure de cet article tient à préciser qu’elle est elle-même rédactrice en chef de ProjetJ à la pige.
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