Et les recherchistes maintenant?

Pascal Lapointe |

Un projet de loi destiné à éviter de futurs conflits de travail dans la production cinématographique ou télévisuelle a été déposé la semaine dernière à l’Assemblée nationale. Il rappelle que le principal corps de métier qui n’a aucun statut dans ce secteur est celui… des journalistes.

Le projet modifierait la loi qui définit actuellement les statuts des différents professionnels du cinéma et de la télé (Loi sur le statut professionnel et les conditions d’engagement des artistes de la scène, du disque et du cinéma). On pense ici aux maquilleurs, costumiers, éclairagistes, décorateurs, et plusieurs autres qui, tous, jouissent d’une reconnaissance légale, qui permet à leurs associations respectives de négocier des contrats avec les producteurs.

Une exception : ceux qu’on appelle en France les journalistes à la recherche, et qu’on appelle au Québec les « recherchistes ».

Que fait un recherchiste? Des recherches documentaires et sur le terrain, pour des émissions d’affaires publiques, d’information et de variétés, pour des documentaires télé ou cinéma. Il fait la chasse aux invités pour une émission de radio ou de télé. Réalise des pré-entrevues, voire des entrevues complètes. Les recherchistes rédigent parfois jusqu’au scénario — et dans ce cas, s’ils ont obtenu le statut de scénaristes, ils peuvent être couverts par un contrat de travail de la SARTEC. Ce sont souvent eux qui rédigent les questions qui seront posées par l’animateur à ses invités. La seule chose qu’ils ne font pas, c’est d’apparaître devant la caméra, ce qui les rendrait admissibles à un contrat de l’Union des artistes (UDA).

Il y a une quinzaine d’années, l’AJIQ avait participé à un long processus devant la Commission de reconnaissance des associations d’artistes, celle qui attribue le statut magique : c’est-à-dire le statut permettant du coup à un artisan de la télé ou du cinéma de signer avec le producteur un contrat-type, propre à son corps de métier.

Lors des audiences, en 1994-1995, les défenseurs des journalistes-recherchistes avaient invoqué devant la Commission que « les recherchistes jouent un rôle fondamental dans la création du contenu des films et des émissions de télévision ». Les producteurs avaient allégué le contraire; le 28 février 1996, la Commission avait tranché en faveur des producteurs. Les journalistes à la recherche constituent donc l’un des très rares corps de métier de la télé et du cinéma à n’avoir aucun contrat-type.

Pour contribuer à la révision de cette loi, la ministre de la Culture, Christine Saint-Pierre, a annoncé la semaine dernière, la création d’un comité, dirigé par l’ex-maire de Québec (et ancien ministre de la Culture) Jean-Paul L’Allier. Objectif premier de cette révision : les techniciens et employés qui, en 2007, avait déclenché un conflit de travail qui avait empêché la venue au Québec de tournages internationaux. Mais pas les recherchistes, pour l’instant.