Par Skye Anderson, reporter au Calgary Journal, publication de l’Université Mount-Royal de Calgary, où elle est actuellement en deuxième année de journalisme.
Traduction d’un article paru initialement sur J-Source, le 30 mai 2014.
Par Skye Anderson, reporter au Calgary Journal, publication de l’Université Mount-Royal de Calgary, où elle est actuellement en deuxième année de journalisme.
Traduction d’un article paru initialement sur J-Source, le 30 mai 2014.
Il y a une grande différence entre la rumeur et le journalisme. Mais il n’y a pas de fumée sans feu… et il est donc impératif, pour un journaliste, de vérifier.
C’est pourquoi il faut se pencher sur le cas de la très populaire application de partage de secrets, Whisper.
Le Nieman Journalism Lab, un site web proposant aux journalistes de les aider à s’y retrouver à l’ère d’internet, a publié en avril dernier, un article pour discuter de la valeur des nouvelles que les journalistes peuvent trouver sur Whisper, un réseau social permettant de publier des informations de manière anonyme.
Il est évident que si un journaliste utilise cette application comme source sans chercher à remonter à l’auteur de la nouvelles pour vérifier son identité, c’est la crédibilité de l’ensemble de la profession qui serait mise à mal.
À l’Université Mount-Royal, le code d’éthique du Calgary Journal désapprouve clairement l’utilisation de sources anonymes. Nos professeurs insistent sur l’importance d’être honnête et franc, quelle que soit l’histoire, et sur le fait que toutes les informations doivent provenir de sources dignes de confiance et crédibles.
Les utilisateurs de Whisper ne sont pas des sources crédibles. L’information est postée de manière anonyme, et, selon les règles édictées par l’application, il s’agit de rien de plus que d’un forum leur permettant de «partager des secrets, s’exprimer et rencontrer de nouvelles personnes.»
Bien sûr, lire les secrets les plus intimes d’inconnus peut-être fascinant et peut même vous permettre de mieux comprendre le monde qui vous entoure. Mais qu’est-ce qui vous assure que ce qui y est dit est vrai?
Bien qu’on ne sache pas si des journalistes canadiens utilisent l’application, il faut se rendre à l’évidence que le sujet est de plus en plus discuté au sein de la communauté. En février, le Toronto Star a publié un article présentant Whisper et questionnant sur la crédibilité et le degré de confiance qui pouvait lui être attribué, aussi bien de la part des utilisateurs que des salles de nouvelles.
Depuis, Tim Currie, maitre de conférence au programme de journalisme numérique au King’s College à Halifax, a affirmé qu’il n’y avait rien de particulièrement contraire à l’éthique dans l’application elle-même. Mais que ça dépendait plutôt de la façon de l’utiliser. «Rapporter des histoires basées uniquement sur ce qui se dit sur Whisper de manière anonyme serait du journalisme de bas étage, écrit-il. En revanche, utiliser un post comme point de départ d’une recherche peut être très pertinent.»
Dans l’article du Nieman Journalism Lab cependant, son auteure Caroline O’Donovan relate que des utilisateurs ont admis ouvertement poster de fausses informations afin de tromper des journalistes.
Le fait que Whisper projette d’ouvrir sa propre salle de nouvelles, tout simplement en s’adonnant à un tri parmi les posts publiés via l’application, semble ainsi n’être qu’une perte de temps et de l’énergie gaspillée. Certainement que quelques scoops pourraient ressortir de l’exercice, mais imaginez toutes les histoires crédibles qui pourraient être fouillées pendant que nombres de journalistes seraient en train de vérifier les informations et rumeurs lancées sur Whisper.
Jason Van Rassel, reporter spécialiste des questions de justice pour le Calgary Herald, est lui aussi sceptique.
«Si ce n’est pas utilisé de manière appropriée, cela peut miner la crédibilité de la profession», estime-t-il, ajoutant que l’application est tellement récente qu’il faut la prendre avec des pincettes, rien n’étant prouvé concernant la fiabilité des informations qui y sont publiées.
Le président de l’Association du journalisme canadien (CAJ), Hugo Rodrigues, explique quant à lui que lorsqu’un journaliste reçoit de une information de manière anonyme, il doit travailler de façon rigoureuse afin de la confirmer ou l’infirmer. «Ainsi, puisque sur Whisper, nous ne connaissons jamais l’identité des sources, ajoute-t-il, il est de notre devoir de procéder à toutes les démarches pour vérifier l’information.»
Il note également, et je suis complètement d’accord avec lui, que si dans le futur, des journalistes décident d’utiliser les posts publiés sur des applications telles que Whisper et de faire de leurs auteurs, des sources, leur anonymat pourrait être mis en péril.
«Les journalistes doivent être bien conscients qu’à partir du moment où ils échangent de l’information en ligne avec une source dont ils protègent l’identité, ça laisse des traces, prévient-il. Ainsi, bien que Whisper prône l’anonymat, avec un peu de savoir faire, de bons avocats et de l’argent, il est facile de retracer une adresse IP, donc la personne qui a partagé le secret au départ.»
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