Dans une entrevue présentée hier soir à l'émission Tout le monde en parle, le directeur de l'Unité anticollusion (UAC), Jacques Duchesneau, a affirmé avoir été victime de tentatives d'intimidation y compris de la part des médias. Il a accusé des journalistes de servir l'intérêt des corrompus en tentant de le discréditer.

Dans une entrevue présentée hier soir à l'émission Tout le monde en parle, le directeur de l'Unité anticollusion (UAC), Jacques Duchesneau, a affirmé avoir été victime de tentatives d'intimidation y compris de la part des médias. Il a accusé des journalistes de servir l'intérêt des corrompus en tentant de le discréditer.

«Pourquoi certains reporters pointent-ils toujours mon unité? Ça fait partie des techniques d'intimidation. C'est drôle que quand on visitait des chantiers, le lendemain il y avait présence de reporters, comme par hasard. Il y a aussi eu une belle manœuvre de diversion quand un média a dit que j'avais joué au golf avec François Legault. Ça fait deux ans que je n'ai pas joué au golf et je n'ai jamais rencontré M. Legault de ma vie!», a-t-il lancé.

L'ancien chef de police n'a cependant nommé aucun média ni journaliste, alimentant ainsi la machine à spéculations sur les réseaux sociaux. Qui sont ces reporters qui tenteraient de discréditer M.Net l'amenant même jusqu'à présenter sa démission et qui est ce journaliste qui a affirmé qu'il a joué au golf avec le chef de la Coalition pour l'avenir du Québec (CAC), François Legault?

Commentant l'entrevue ce matin à l'émission Puisqu'il faut se lever au 98,5FM, le chroniqueur politique Jean Lapierre s'est dit surpris des propos de M.Duchesneau. «Il n'avait pas l'air d'avoir apprécié les rumeurs de son intérêt pour la politique», a-t-il commenté. «C'est clair qu'il parlait de toi», lui a répliqué l'animateur Paul Arcand. Mercredi dernier, la veille de l'enregistrement de Tout le monde en parle, Jean Lapierre a en effet parlé des ambitions politiques M.Net à l'antenne du 98,5FM.

«Depuis 3-4 jours, je reçois des appels concernant les motivations de M.Duchesneau», a-t-il annoncé à Paul Arcand qui lui a répliqué «Arrête avec tes procès d'intention». Mais le chroniqueur et ancien ministre fédéral des Transports a poursuivi: «Il y en a même qui disent qu'il a eu trois rencontres avec François Legault et qu'il serait le prochain ministre de la Sécurité publique». Il a cependant démenti la rumeur: «J'ai vérifié. Il n'y a eu aucune rencontre, et il n'est pas sur la liste de candidat potentiel (…). Donc, arrêtez d'essayer de lui trouver des motivations et des missions secrètes.»

Paul Larocque enquête

Ce matin, Paul Arcand a donc poursuivi «ce que je comprends c'est qu'il visait Paul Larocque (TVA) quand il parlait d'un reporter qui était sur ses traces». Le reporter du groupe Quebecor multiplie en effet les révélations au sujet de M.Duchesneau depuis plus d'un an. En mars 2010, il a notamment révélé que son salaire était plus élevé que celui du Premier ministre Jean Charest. Il a ensuite recueilli les confidences d'un ancien organisateur politique qui a accusé M.Duchesneau d'avoir utilisé des pratiques de financement illégales lors de sa course à la mairie de Montréal, en 1998, alors qu'il dirigeait le parti Nouveau Montréal. Paul Larocque précisait alors que M.Net avait refusé ses multiples demandes d'entrevue.

Suite à ce reportage, le patron de l'UAC a du quitté temporairement son poste en novembre. Il a ensuite été blanchi par le Directeur général des élections et a pu réintégrer ses fonctions, mais cette affaire en a fait sourciller plus d'un. Certaines voix se sont publiquement inquiétées des pressions que subissait l'UAC au moment même où elle touchait au cœur du système de collusion. «M. Duchesneau et son équipe font des enquêtes qui dérangent certaines personnes qui essaient de le tasser de là. […] Ils veulent lui faire la job», confiait une source gouvernementale anonyme au quotidien Le Devoir, en novembre, dans un article intitulé «Les pressions de l'industrie ont eu raison de Duchesneau».

Ce matin au 98,5FM, Jean Lapierre, qui est également chroniqueur politique à TVA, s'est porté à la défense de ses collègues. «C'est pas des attachés de presse les journalistes. En principe ce sont des gens qui font leur job puis qui posent des questions. (…) J'ai trouvé que c'était particulier de pointer certains médias en disant "ils me sont moins favorables". Ben là! Je regrette! il s'attendait à un concert d'éloges? J'imagine.»

Les questions de Paul Larocque font cependant sourciller ses collègues des médias concurrents. Mi-septembre, quand Radio-Canada a obtenu et publié le rapport Duchesneau, le journaliste a à nouveau fait parler de lui en insistant, non pas pour en connaître les conclusions, mais pour savoir qui l'avait fait parvenir aux journalistes. «Est-ce qu’il y aura une enquête sur l’origine de la fuite?», a-t-il demandé lors d'une conférence de presse du ministre des Transports Pierre Moreau et d'une autre du Premier ministre. Une question qui en a choqué plus d'un, dont le chroniqueur Patrick Lagacé de La Presse qui a signé un texte intitulé «Paul Larocque: je tombe à la renverse».

(ajout post-publication 19h) Pour sa part, la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) n'a pas apprécié les accusations de M.Duchesneau à l'égard des journalistes. «Si M. Duchesneau a des griefs ou des doléances à adresser à des journalistes en particulier, qu'il les nomme et qu'il justifie son propos», lance-t-elle dans un communiqué. Invitant M.Duchesneau à s'expliquer demain lors de sa comparution en commission parlementaire, elle souligne que «ses allégations à peine détaillées sont de nature à entraîner la méfiance et la suspicion de la population à l'égard de tous les journalistes qui enquêtent courageusement sur les dérapages dans l'industrie de la construction, la collusion et la corruption alléguées dans l'octroi des contrats publics».