Deux classes de journalistes?

Lise Millette, ProjetJ |

Plusieurs journalistes indépendants étaient réunis mercredi le 28 janvier à Montréal pour discuter du droit d’auteur et de la nécessité qu’ils soient reconnus, à leur juste titre, par des organisations syndicales qui représentent des journalistes.

La charge lancée par des membres du syndicat lié au Journal de Montréal contre les “pigistes” a consterné bons nombre de journalistes indépendants. La déclaration laissait entendre que «l’embauche de pigistes diminue la qualité rédactionnelle». Il n’en fallait pas plus pour mettre le feu aux poudres!

Plus tôt dans la journée, une table ronde présentée à l’émission de Christiane Charette sur les ondes de Radio-Canada concluait en substance que le fruit est mûr pour que syndiqués et journalistes indépendants fassent front commun. Si on ne peut plus ignorer la réalité du travail à la pige au sein de nos entreprises de presse, nombre de ces travailleurs se trouvent toujours orphelins, ne pouvant négocier collectivement leurs droits, même s’ils sont regroupés au sein de l’AJIQ qui est en quelque sorte leur entité syndicale. Ce droit de la négociation collective leur échappe de par les contrats individuels que certains éditeurs tentent de leur insérer dans la gorge.

S’ils se retrouvent souvent entre l’arbre et l’écorce, entre le besoin de travailler et la moralité, ils résistent tant que se faire se peut, à accepter n’importe quelles conditions. La sortie de Richard Martineau, chroniqueur pigiste au Journal de Montréal, a d’ailleurs soulevé l’ire sur les listes de discussions. «Des journalistes m’ont contacté pour savoir si je vais continuer de collaborer au Journal de Montréal malgré le lock-out. Ma réponse est Oui. Pourquoi ? Tout simplement parce que je suis pigiste. Par choix. Si, demain, le Journal décidait de ne plus avoir recours à mes services, aucun syndicat ne lèverait le petit doigt pour venir à ma rescousse», écrivait-il dans l’édition du week-end du quotidien montréalais.

Or, sur le fond, effectivement, il n’a pas tort, le syndicat ne le défendrait pas. Est-ce une raison pour s’inscrire en faux dans le conflit? Pour certains oui, pour d’autres non.

Cela dit, la mémoire étant une faculté qui se décuple entre pairs, il a fallu peu de temps pour que cette sortie, sur fond de conflit et alors que pèsent des contrats de cession de droits qualifiés d’indigestes, éveille un souvenir plutôt douloureux. Faisant référence au contrat de TVA Publications, toujours sous l’emprise de Quebecor, un journaliste a soulevé qu’il s’agissant sans doute du pire contrat depuis celui présenté par Voir, sous la direction de Richard Martineau. Bouclons la boucle.

La conclusion qui s’impose serait donc, selon l’assentiment de plusieurs, que les syndicats incluent les journalistes indépendants dans leurs luttes. Une situation qui permettrait sans doute d’atténuer l’utilisation des services de journalistes indépendants à rabais – pour ceux qui acceptent toujours de le faire et il y en a – et ainsi accéder à un réel accès à la négociation collective.