Steve Doig est le détenteur de la chair en journalisme de la Walter Cronkite school of journalism and mass communication de l’Université d’Arizona, spécialisée dans le reportage assisté par ordinateur. Ou comment l’utilisation des ordinateurs et des réseaux sociaux peut aider les journalistes à mieux faire leur travail.

Steve Doig est le détenteur de la chair en journalisme de la Walter Cronkite school of journalism and mass communication de l’Université d’Arizona, spécialisée dans le reportage assisté par ordinateur. Ou comment l’utilisation des ordinateurs et des réseaux sociaux peut aider les journalistes à mieux faire leur travail. Récipiendaire du Pulitzer, il a œuvré durant vingt-trois ans comme journaliste de presse écrite, dont dix-neuf au Miami Herald. Dans une entrevue accordée à J-Source, il explique pourquoi les journalistes doivent avoir une «bonne hygiène» en matière de sécurisation de données. Et comment faire.

Entrevue réalisée par Eric Mark Do – traduction d’un article paru sur J-Source le 6 décembre 2013

J-Source: Qu’est-ce qu’avoir une «bonne hygiène» en matière de sécurisation de données et pourquoi est-ce si important pour les journalistes?

Steve Doig: Les journalistes doivent s’assurer que tous les documents sensibles présents dans leur ordinateur soient cryptés, mais également qu’ils soient supprimés de manière sécurisée. C’est d’autant plus important lorsque qu’il a été promis à une source que son identité resterait confidentielle. Avoir une bonne hygiène en matière de sécurisation de données signifie que quiconque tenterait d’identifier vos sources en entrant dan votre ordinateur, soit dans l’impossibilité d’y parvenir.

Quels conseils donneriez-vous aux journalistes pour respecter cette hygiène?

  • Regrouper tous les documents sensibles dans un même dossier susceptible d’être encrypté et protégé via un code incassable.
  • Se familiariser avec les bons programmes d’encryptage comme TrueCrypt ou GnutPG.
  • Considérer la possibilité de garder ces documents sensibles sur un disque externe, lui-même encrypté, et qui serait caché loin de l’ordinateur, dans un endroit sûr.
  • S’assurer que les communications avec les sources confidentielles ne puissent être retracées, ni écoutées. Il ne faut donc pas utiliser sa propre adresse courriel ou son téléphone cellulaire, mais préférer une adresse jetable et créée pour l’occasion, ou un téléphone avec carte prépayée, achetée avec de l’argent comptant. Quoi qu’il en soit, ne jamais envoyer de courriel depuis son ordinateur au bureau ou à la maison.
  • Sensibiliser ses sources à l’importance pour elles aussi, d’avoir une bonne hygiène en matière de sécurisation de données. Elles doivent savoir que leur téléphone et leur ordinateur ne doivent révéler aucune connexion avec le journaliste.

Existe-t-il des sites web ou des outils que les journalistes devraient utiliser régulièrement?

Chercher de l’information à propos d’une source laisse des traces dans un moteur de recherche. Les moteurs les plus connus tels que Google, préservent toutes les informations de connexion. Il est désormais de notoriété publique que la NSA peut fouiller à l’intérieur de ces bases de données, et quoi qu’il en soit, elles peuvent faire l’objet de perquisition de la part des enquêteurs du gouvernement. Il vaut donc mieux utiliser un moteur de recherche tel que DuckDuckgo.com, qui a délibérément choisi de ne garder aucune trace des recherches effectuées. Ainsi, les données de recherche ne peuvent être la cible d’une perquisition.

Certains considèrent cela comme de la paranoïa. Avez-vous un exemple en tête prouvant que pratiquer cette forme d’hygiène a déjà aider un journaliste?

Inutile d’être paranoïaque 24/7. Mais il est important de savoir reconnaitre quand vous êtes dans une de ces rares situations. Posez-vous cette question: est-ce que le fait que votre source puisse être reliée à vous pourrait mettre son emploi, sa liberté ou sa vie même, en péril? Ne perdons pas de vue qu’il y a quelques cas récents de persécutions à l’encontre des lanceurs d’alerte, tel que cet agent de la CIA, envoyé en prison pour avoir travaillé avec un reporter. En fait, protéger ses données sert moins à protéger le journaliste que ces courageuses sources qui se mettent en danger pour fournir de l’information.

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Lanceurs d’alerte à leurs risques et périls