Crise au Trente: la grogne monte

Réduire la
fréquence de parution du Trente est une décision
«complètement inconséquente», estime la fondatrice du magazine,
Paule Beaugrand-Champagne. Deux semaines après que la Fédération
professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) ait annoncé
mettre la hache dans sa revue, la patronne, comme on l’y appelle
encore, demeure interloquée.

Manque de transparence

«Je
ne suis absolument pas d’accord et je me demande si on a vraiment
vérifié toutes les possibilités avant d’en arriver à une décision
aussi drastique, d’autant plus que ça n’a pas été soulevé au
congrès il y a à peine deux mois», confit-elle. Même son de
cloche sur le blogue de la revue où plusieurs lecteurs dénoncent le
manque de transparence de la FPJQ:

«Il
ressort de ceci une grosse contradiction: au cours des années, la
FPJQ s’est battue pour la transparence des institutions
publiques. La FPJQ est une institution publique. Et sans vouloir vous
insulter, ses dirigeants, dans ce dossier, ont manqué complètement
de transparence», estime Pierre Vennat.

«Cette
crise semble tomber du ciel pour ceux et celles qui ne siègent pas
au conseil d’administration», écrit François
Normand.
«La fédération ne nous a pas sollicités pour
assurer l’avenir du Trente. En soi, c’est un échec total
de ne pas avoir tenté quoi que ce soit avant de mettre la hache dans
ce magazine», ajoute Michel Munger.

Jean-Hugues Roy rappelle de son côté
qu’à l’origine, le Trente était édité par une entité juridique
distincte de la FPJQ, Les Éditions Le 30,
mais que la fusion, en 2004, supposait collaboration et consultation.
Pourtant, les administrateurs de la FPJQ ont pris une «
décision,
unilatérale, et visiblement irrévocable», estime-t-il.

Plusieurs alternatives

Les lecteurs du Trente ont
pourtant plusieurs idées pour venir en aide à leur publication.
Toujours sur le blogue de la publication, François
Normand
suggère de créer un fonds de soutien et d’ajuster la
cotisation annuelle à la fédération à l’inflation. Il propose
également d’abandonner le papier pour distribuer uniquement une
version électronique du magazine, éliminant ainsi les coûts
d’impression et de distribution.

À ce chapitre, Mme Beaugrand-Champagne croit que «le Trente a peut-être pris un
virage trop luxueux au fil des ans». Selon elle, l’impression quatre
couleurs et le papier glacé ne sont pas nécessaires et leur abandon
permettrait de faire des économies substantielles. Par ailleurs, à
ses yeux comme à ceux du rédacteur en chef démissionnaire du
Trente, Jonathan Trudel, réduire la fréquence de parution à
six numéros par an
aurait été plus acceptable.

La patronne
souhaite que la FPJQ revienne sur sa décision et laisse à un comité
indépendant le soin d’examiner sérieusement la situation financière
de la revue et de proposer des solutions pour la sauver, car
pour elle «de toute évidence les membres du CA ne croient pas au
magazine».

De
son côté, la FPJQ campe sur sa position. Au lendemain de la
démission de Jonathan Trudel, le président de la fédération,
Brian Myles, assurait à
ProjetJ
que le conseil d’administration avait étudié plusieurs scénarios
en fonctions des prévisions budgétaires globales de l’organisme.
Pour les membres du CA, réduire la fréquence de parution du
Trente
s’avère la seule solution envisageable.

Message
incohérent

Très
déçue, Mme Beaugrand Champagne constate qu’«on oublie l’importance
très grande de cette revue dans le milieu». Elle rappelle que
depuis sa création, le
Trente
répond avec succès au besoin de discussion très fort qui habite la
profession journalistique. Pour elle, un blogue et une lettre
d’information hebdomadaire ne sauraient remplir le vide créé par
une coupe si importante dans la fréquence de parution du magazine.

Pourtant,
la semaine dernière, la FPJQ a annoncé la création d’un comité de
transition du Trente

qui «verra à développer d’ici peu de mois une vision cohérente
des missions spécifiques du magazine, du blogue, du site, de la
Lettre d’information et du
Journal du congrès
(…)
en misant
davantage sur internet».

Mais, celle qui a dirigé plus d’un
média québécois croit que la fédération fait une erreur en
sabrant sa propre publication alors qu’elle tente elle-même de
défendre ses membres contre des patrons qui veulent faire pareil.
«Elle passe le message que le papier est mort», se désole-t-elle.

Pierre Vennat, qui était de l’équipe
fondatrice de la revue, va
dans le même sens. «On donne quel exemple aux patrons? Si la FPJQ
réduit le salaire de son secrétaire général de 20% et la parution
de son magazine de 70%, cela sera quoi nos arguments pour dire aux
patrons: ne réduisez pas les salaires, ne réduisez pas les
parutions?», se questionne-t-il sur le blogue du Trente

Voir aussi: Trente: le rédacteur en chef claque la porte