À propos de nombreuses controverses survenues au Québec au cours des dernières années, les commissaires observent des écarts importants entre les faits et les perceptions du public.  Les commissaires soutiennent que certains médias ont joué un rôle important dans la fabrication de ces perceptions erronées, tout en prenant soin de souligner que d’autres médias ont fait des efforts.  Ils écrivent:

Durant toutes nos consultations privées et publiques, ils ont été sans cesse blâmés pour avoir cédé au sensationnalisme, pour avoir amplifié, déformé, sélectionné, pour avoir manqué à leurs responsabilités en semant la division, en accentuant les stéréotypes, en excitant l’émotivité, en creusant les clivages Eux-Nous, en incitant à la xénophobie. Cette critique des médias était présente dans de nombreux mémoires, témoignages et interventions au cours des forums. Le sondage de Léger Marketing réalisé pour The Gazette en août 2007 révélait aussi que 55% des Québécois interrogés considéraient que les médias réagissaient d’une façon exagérée aux demandes provenant des minorités religieuses. Le même sondage montrait aussi que, selon près de 60 % des répondants, les médias devraient se montrer plus responsables.

Des critiques ont été formulées également, et non moins durement il faut le dire, par plusieurs représentants des médias montréalais (plus d’une quinzaine, d’après un relevé sommaire). En voici quelques extraits : «les règles de base du métier n’ont pas toujours été respectées» ; «notre profession a déconné» ; «les médias méritent d’être blâmés» ; avec «ce qui n’était qu’une éraflure», ils ont fait «une plaie ouverte» ; ils «ont été une incroyable usine à désinformation» ; ils «ont foutu le bordel».  D’autres journalistes ont parlé d’«articles faux» ; d’«irresponsabilité médiatique» ; d’un «furieux manque de rigueur» ; d’une «chasse aux accommodements» ; d’une «crise manufacturée du début à la fin par les médias» ; d’une «médiatisation alarmiste» ; d’une «dérive médiatique épouvantable» ; d’«incidents anecdotiques isolés montés en épingle» ; d’une «image déformée des attitudes des Québécois» ; etc. Ajoutons à cela les critiques que des éditorialistes ont également adressées aux médias.

Cette autocritique, très franche et bienvenue pour l’essentiel, appelle cependant des nuances. Nous nous en remettons ici à nos propres observations, toutefois un examen plus rigoureux montrerait une diversité notable dans le travail des reporters et celui des chroniqueurs, ainsi qu’au sein de ce dernier groupe. Il faudrait aussi distinguer entre la presse écrite et la presse électronique, la radio et la télévision, les types d’émissions, et le reste. Tout cela pour bien montrer qu’au-delà des dérapages, plusieurs gens des médias ont tout de même fait leur travail très correctement35. Par ailleurs, il est manifeste que les médias ne sont pas la seule source des versions stéréotypées puisque, dans divers cas, celles-ci divergent de ce qui a été originellement rapporté dans la presse écrite ou électronique.

(Rapport de la Commission Bouchard-Taylor, p. 75)

La Commission note que la formation interculturelle est insuffisante chez les journalistes, les universités et les écoles de journalisme québécoises n’offrant pas d’enseignements sur la couverture de la diversité ethnique.  Elle remarque aussi que les journalistes issus des minorités ethniques sont sous-représentés dans la profession, à l’instar de l’ensemble des individus vus à la télévision et au cinéma.

En outre, un rapport d’expert sur le traitement journalistique des accommodements raisonnables, intitulé Les médias écrits et les accommodements raisonnables: l’invention d’un débat et réalisé sous la direction de Maryse Potvin, est aussi accessible sur le site web de la Commission.