Chronique – Le CRTC consulte

Le Conseil de la radiodiffusion et des
télécommunications canadiennes (CRTC) a amorcé vendredi «une
consultation sur les conséquences potentielles de la consolidation
au sein de l’industrie canadienne de la radiodiffusion».

Cette consultation débute alors que
Shaw Communications vient d’acquérir les stations de télévision et
des canaux spécialisés de Canwest Global avec la bénédiction du
CRTC et que la maison mère de Bell, BCE, a annoncé son intention
de prendre le plein contrôle de CTVglobemedia.

Dernières en date, ces transactions
s’inscrivent dans une longue liste de mouvements de capitaux. Par
exemple, Quebecor Media a mis la main sur le réseau de télévision
TVA et sur Vidéotron au début de la décennie, tandis que Rogers
Media a absorbé cinq stations de Citytv il y a trois ans.

Bell juge l’appel à réflexion du
Conseil «complètement inutile». Pourtant, les transactions de la
dernière décennie ont radicalement changé le visage de l’industrie
canadienne des médias et des télécommunications.

De plus en plus,
le paysage médiatique d’ici tend à se résumer à quatre grandes
firmes tentaculaires, Bell, Rogers, Shaw et Quebecor. Des entreprises
qui ont en main des médias produisant du contenu, mais aussi des
canaux de diffusion, puisque ce sont toutes des distributrices de
câble ou de satellite.

De fait, «il existe maintenant une
préoccupation concernant le fait que les grandes entreprises de
distribution de la radiodiffusion qui sont intégrées pourraient
agir d’une façon pouvant nuire à l’industrie de la
radiodiffusion», souligne de CRTC. Il demande donc aux parties
intéressées de soumettre leurs observations d’ici le 7 mars 2011.

L’Histoire a le hoquet

Avant que les télécommunications ne
s’en mêlent, l’idée d’une reproduction des contenus sur une
multitude de plateformes – dont les téléphones mobiles –
appartenant toutes à une même entreprise n’était pas encore aussi
élaborée qu’aujourd’hui. Néanmoins, les observateurs
s’inquiétaient déjà de l’impact de la concentration de la
propriété médiatique sur la liberté de presse et la qualité de
l’information.

En 1969, le gouvernement fédéral a
mis sur pied le Comité spécial du Sénat sur les moyens de
communication de masse. Celui-ci avait déclaré la concentration
«indésirable» et reproché à plusieurs propriétaires de
privilégier la rentabilité plutôt que la qualité, au détriment
de l’intérêt du public. La même année, au Québec, le
gouvernement a créé une Commission parlementaire spéciale sur les
problèmes de la liberté de la presse, mais ses travaux n’ont jamais
réellement abouti.

Plus récemment, Québec a constitué
un Comité-conseil sur la qualité et la diversité de l’information
dirigé par la professeure Armande Saint-Jean. Ce comité a notamment
recommandé au gouvernement «de procéder à l’étude
systématique, en commission parlementaire, de toutes les
transactions dans l’univers des médias susceptibles d’affecter
l’intérêt public au plan de l’information».

Pendant que ces rapports
s’empoussièrent sur les tablettes, un autre est en route, celui de
Dominique Payette sur l’avenir de l’information. Mais les
conglomérats n’attendent pas les conclusions. Ils profitent de
l’évolution rapide des technologies pour étendre toujours plus leurs
tentacules et sortir un nouveau lapin high tech de leur chapeau avant
que les instances légales et politiques aient pu en étudier les
implications.

La liberté de presse, elle, en prend
pour son rhume et le Canada est de moins en moins un modèle pour le
reste du monde, comme le soulignait Reporters sans Frontières la semaine
dernière.

Pour en savoir plus:

Bell acquiert CTV: un autre géant du contenu naît

Liberté de presse: le Canada recule

Lock-out au JdeM: le ras-le-bol de 3800 journalistes

Indépendance des journalistes: les Québécois ont des doutes

Archives de Radio-Canada: Concentration de la presse: un mal nécessaire