La Ville de Caraquet dans la péninsule acadienne, au Nouveau-Brunswick, a accouché cette semaine d'une nouvelle politique de communication avec les médias. Pour interviewer des responsables de la municipalité, il faudra désormais faire des demandes d'entrevues officielles à la secrétaire municipale adjointe. Les conversations ainsi organisées seront enregistrées et seul le sujet mentionné au préalable pourra être discuté.
La Ville de Caraquet dans la péninsule acadienne, au Nouveau-Brunswick, a accouché cette semaine d'une nouvelle politique de communication avec les médias. Pour interviewer des responsables de la municipalité, il faudra désormais faire des demandes d'entrevues officielles à la secrétaire municipale adjointe. Les conversations ainsi organisées seront enregistrées et seul le sujet mentionné au préalable pourra être discuté.
Habitués à avoir un accès direct au maire Antoine Landry et au personnel de l'Hôtel de Ville, les journalistes locaux sont interloqués. «On a toujours eu un accès facile au maire. On l'appelait sur son cellulaire et il commentait, tout simplement», explique le journaliste François Le Blanc de Radio-Canada. Président de la section acadienne de l'Union de la presse francophone (UPF), il s'inquiète: «Le maire veut-il organiser son système de communication ou veut-il organiser les médias?».
Questions embarrassantes
François Le Blanc penche plutôt pour la seconde option: «Ce que je comprends, avec le contexte, c'est que la Ville en a assez de se faire poser des questions». Le nouveau règlement est en effet imposé alors que Caraquet est secouée par une controverse au sujet de la gestion des fonds publics dans le cadre du projet d'agrandissement du quartier des spectacles local, le Carrefour de la Mer.
Le gouvernement provincial a récemment refusé une demande de la municipalité qui prétendait vouloir se faire rembourser des dépassements de coûts du projet d'agrandissement du Carrefour de la Mer. Cependant, Fredericton a conclu qu'il s'agissait plutôt de frais liés à l'installation de sièges rétractables, sièges qui ne sont pas encore fonctionnels et qui ne faisaient pas partie de la demande initiale de financement.
En parallèle, Caraquet doit faire face à une dispute sur les droits d'auteurs du spectacle Louis Mailloux, présenté l'été dernier à l'occasion du Festival acadien. Le compositeur et auteur, Calixte Duguay, est insatisfait de l'interprétation de son œuvre par la Compagnie Viola Léger, productrice du spectacle. Un désaccord qui menacerait la tenue des représentations l'été prochain, donc la rentabilité du fameux «quartier des spectacles».
Journaliste à l'Acadie Nouvelle, Martin Roy comprend que, dans ce contexte, la petite municipalité se sente débordée. Néanmoins, il estime qu'il est d'intérêt public de la questionner sur ces dossiers qui demeurent à tout le moins nébuleux. «C'est en répondant à nos questions que le maire éclaircira les choses, pas avec une publicité d'une page dans les journaux.»
Surenchère médiatique
Le maire Antoine Landry, en poste depuis bientôt dix ans, ne voit pas les choses du même œil. Il explique que la nouvelle politique de communication lui permettra de mieux servir les médias en étant mieux préparé à répondre à leurs questions. «Les journalistes ont pris l'habitude de me téléphoner sur mon cellulaire ou chez moi, de m'apostropher à l'épicerie ou ailleurs. Souvent je ne suis même pas au courant des dossiers.»
La professeure en information et communication Marie-Linda Lord de l'Université de Moncton comprend le sentiment du maire, car sa ville fait l'objet d'une surmédiatisation dont résulte souvent une surenchère médiatique. «Caraquet compte à peine plus de 4000 habitants, mais une forte concentration médiatique. La radio communautaire CKRO, Radio-Canada, TVA et l'Acadie Nouvelle ont tous des bureaux sur place. Résultat, on entend moins parler des autres villes acadiennes, Dieppe et Edmundston qui sont pourtant plus grosses.»
Outre la sursollicitation, le maire Landry reproche à certains médias de faire une couverture négative de sa ville. «Certains journalistes jouent aux avocats. Ils vont au café écouter les ouï-dire et puis ils font une tempête dans un verre d'eau. Il y en a même un, à qui je reprochais d'écrire des articles négatifs, qui m'a dit que le positif, ça ne faisait pas vendre son journal.»
La FPJQ s'en mêlera-t-elle?
Pour le président de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ), Brian Myles, les journalistes ne sont pas «des meneurs de claques chargés de faire valoir le point de vue du roitelet en place», a-t-il déclaré le mois dernier en dévoilant le Dossier noir de l'information municipale. Appelé à se prononcer dans le dossier de Caraquet par les médias locaux, il a condamné l'imposition de nouvelles règles de communication, une façon selon lui «de contrôler à la fois le message et le messager».
La FPJQ ne s'est cependant pas engagée à intervenir auprès du maire Landry. Ce, même si ses règlements ont été modifiés récemment afin d'accepter des membres hors Québec. Le secrétaire général de la fédération, Claude Robillard, explique qu'en modifiant ses règles d'adhésion, la FPJQ a souhaité répondre aux demandes récurrentes de plusieurs journalistes francophones de l'extérieur de la province. Cependant, les implications de ce changement de règlement n'ont pas encore été discutées.
Mais pour Marie-Linda Lord, la tempête de Caraquet va s'estomper toute seule avec l'arrivée des beaux jours. «Pour l'instant ça prend d'énormes proportions, mais ça va passer. Avec l'été et le retour des activités culturelles, le maire va avoir besoin des journalistes alors il va assouplir ses règles.» En attendant, elle estime que le règlement va avoir un impact positif sur la qualité de l'information, car il va forcer les journalistes à chercher l'information ailleurs et à fouiller davantage leurs dossiers pour faire la lumière sur les controverses de l'heure.
Mise à jour 21/12/10:
Caraquet a finalement décidé de faire marche arrière. Le maire, Antoine Landry, et le directeur général de la Ville, Marc Duguay, ont annoncé aux médias le retrait du point 4 de la nouvelle politique de communication stipulant que seul le sujet mentionné lors de la prise de rendez-vous pourrait être discuté en entrevue. «Ç'a été écrit sur le vif, c'est vrai, et ce n'était peut-être pas la meilleure chose à faire», a expliqué Marc Duguay aux médias.
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