Affaire Duceppe: La Presse critiquée

«Ce que La Presse a fait à Gilles Duceppe m'apparaît comme un lynchage, une sorte d'assassinat», a déclaré Bernard Landry ce matin à l'antenne de RDI. L'ancien Premier ministre péquiste commentait les déboires de l'ex-chef bloquiste, Gilles Duceppe. Celui-ci a renoncé à un retour en politique active après que La Presse ait révélé samedi qu'il a payé le salaire de son directeur général et celui d'une conseillère en puisant dans le budget accordé par la Chambre des communes pour le fonctionnement de son cabinet.

«Ce que La Presse a fait à Gilles Duceppe m'apparaît comme un lynchage, une sorte d'assassinat», a déclaré Bernard Landry ce matin à l'antenne de RDI. L'ancien Premier ministre péquiste commentait les déboires de l'ex-chef bloquiste, Gilles Duceppe. Celui-ci a renoncé à un retour en politique active après que La Presse ait révélé samedi qu'il a payé le salaire de son directeur général et celui d'une conseillère en puisant dans le budget accordé par la Chambre des communes pour le fonctionnement de son cabinet.

«Cette pratique violerait les règles de la Chambre des communes puisque les fonds qu'elle accorde aux élus doivent être utilisés pour financer les activités parlementaires et non pas des activités partisanes», écrivait le quotidien de la rue Saint-Jacques, samedi (Fonds publics: Gilles Duceppe dans l'embarras). Le quotidien soulignait que «les autres formations politiques» lui ont confirmé «que leur directeur général respectif est payé par des fonds du parti et non à même des sommes provenant de la Chambre des communes». «Ce dossier pourrait être jugé suffisamment grave par le comité de régie interne des Communes (…) pour qu'il déclenche une enquête», poursuivait-il.

Le Devoir contredit La Presse

Néanmoins, Le Devoir contredit La Presse ce matin en titrant «Duceppe aurait suivi les règles». Selon le quotidien de la rue Bleury, «les budgets de la Chambre des communes attribués aux chefs élus peuvent servir au financement d'activités partisanes». «Un coup de fil au service des communications de la Chambre des communes à Ottawa a permis au Devoir de constater que les règles régissant les finances des chefs élus de partis politiques sont extrêmement floues, mais qu'elles n'interdisent pas le financement d'activités partisanes», indique-t-il.

L'article a eu l'effet d'une bombe sur les réseaux sociaux. De nombreux internautes fustigent vertement La Presse mettant en doute ses pratiques journalistiques et lui reprochant son manque d'éthique. La rédactrice en chef du Devoir, Josée Boileau, en a même profité pour lancer une flèche à son concurrent sur Twitter lui reprochant à demi-mot de ne pas avoir vérifié les règles en vigueur aux Communes. Le chroniqueur Vincent Marissal se porte à la défense de son employeur sur son blogue. Pour lui, les détracteurs de La Presse font fausse route et devraient plutôt se demander «qui a coulé des informations embarrassantes pour Gilles Duceppe?», car «pas de fuite, pas d’histoire. Et, visiblement, cette fuite vient de l’interne».

La chroniqueuse Josée Legault, connue pour ses convictions souverainistes, répond sur Voir.ca: «dans cette forme classique de mercenariat politique, le coulage provient souvent des mêmes rangs que la personne visée». «Cet épisode est loin, très, très loin, d’être le premier au monde où un règlement de comptes politique passe par un coulage dans les médias», note-t-elle. Selon elle, il est «difficile de demander aux médias de ne pas publier ce genre d’information». Toutefois, comme sa collègue Josée Boileau, elle précise qu'un travail de vérification s'impose pour s'assurer que l'information coulée est fondée: «Si on avance, même au conditionnel, que tel geste violerait ou suivrait telle règle, il importe de préciser quelle est cette dernière».

(paragraphe modifié 25/01/12 – 13h20) Bombe ou pétard mouillé, la différence de couverture de «l'affaire Duceppe» entre La Presse et Le Devoir rappelle l'ancrage politique des deux quotidiens, pour la première fois depuis le début du séisme qui secoue les souverainistes, note le professeur Thierry Giasson. Plusieurs internautes voient d'ailleurs dans la couverture de La Presse une torpille fédéraliste. Mais le chercheur principal du Groupe de recherche en communication politique de l’Université Laval rejette l'idée d'une commande éditoriale idéologique à La Presse comme au Devoir. «Je ne dirais pas que tout ceci résulte d'une commande éditoriale, mais plutôt d'une course aux scoops, de la volonté des journalistes de trouver des nouveaux angles pour continuer à faire vivre l'histoire», explique-t-il en soulignant que les deux journaux usent ici de sources et de stratégies d'enquêtes différentes.

Vers une plainte au Conseil de presse

La course aux scoops ne se fait pas sans dommages. Comme le souligne Josée Legault, «il arrive aussi que pour les individus qui en sont victime, les conséquences sur leur vie et leur carrière soient dévastatrices. Parfois à court terme, parfois à plus long terme.» L'ancienne conseillère de cabinet de Gilles Duceppe, Marie-France Charbonneau, estime justement que les articles publiés dans La Presse en fin de semaine «portent sans contredit atteinte à [sa] réputation». En conséquence, elle menace de porter plainte contre le quotidien au Conseil de presse (CPQ).

«Dans une recherche de sensationnalisme, les journalistes Bellavance et De Grandpré, de même que le journal La Presse ont utilisé de bas commérages non avérés afin de chercher à étayer un article dont l’objectif est clair et n’a rien à voir avec l’information impartiale et la quête de vérité. Nous sommes très loin de la rigueur journalistique», écrit-elle dans une lettre publiée sur Facebook, hier en fin de journée. Elle poursuit: «Il est clair que les journalistes ont insisté de façon indue sur des éléments pris hors contexte afin de mieux servir leur propos, et ce, au mépris de la vérité et des conséquences que leur prose pourrait avoir sur ma propre vie. Écrire n'importe quoi sans vérifier les informations auprès des principaux intéressés est très peu professionnel.»

Mme Charbonneau réclame que La Presse publie sa version des faits et lui donne «une résonnance équivalente aux torts engendrés par les articles parus», à défaut de quoi elle portera plainte au CPQ. L'ex-député bloquiste Thierry St-Cyr envisage lui aussi de déposer une plainte au tribunal d'honneur de la profession. Il estime que le journal a, «par incompétence ou volontairement», trompé la population. Dans une «tentative de règlement préalable», il a envoyé une plainte à La Presse et invite la population à l'imiter. Comme son ex-collègue, il demande qu'une correction soit faite et qu'on lui accorde la même exposition médiatique que le reportage original.

Anne-Marie Désautels, du service des communications de La Presse, a indiqué à ProjetJ que le journal ne souhaitait pas émettre de commentaire au sujet de la sortie publique de Mme Charbonneau. «On va traiter la chose à l'interne», a-t-elle déclaré. Dans un texte publié ce matin, La Presse donne la parole à Mme Charbonneau. Mais, loin de l'innocenter, le journal la pointe à nouveau du doigt. Citant «des sources bloquistes», il révèle qu'elle «a utilisé les services de recherche du Bloc québécois à Ottawa, payés à même les fonds publics, afin de mener à bien la recherche et la rédaction de son mémoire».