Alors que le président et éditeur de La Presse, Guy Crevier, vante des résultats qu’il juge promoteurs sur tous les forums nationaux et internationaux, certains commentateurs s’interrogent toujours sur la pertinence du modèle économique choisi.

Alors que le président et éditeur de La Presse, Guy Crevier, vante des résultats qu’il juge promoteurs sur tous les forums nationaux et internationaux, certains commentateurs s’interrogent toujours sur la pertinence du modèle économique choisi. Mais La Presse+, c’est avant tout une toute nouvelle plateforme qui a modifié en profondeur le travail des journalistes du quotidien de Gesca. Témoignages.

Par Hélène Roulot-Ganzmann

Tristan Péloquin est vidéoreporter à La Presse depuis 2009. Selon lui, le passage du web à la tablette a donné plus de profondeur à son métier.

«Sur le site, nous produisions de la nouvelle brute, explique-t-il. Il fallait être dans l’instant, entrer en ligne trente à quarante minutes après l’événement. Avec l’Ipad, l’approche change complètement. Nous fabriquons l’édition du lendemain. Nous avons plus de temps pour aller plus loin et approfondir le sujet.»

Un travail plus fouillé, mais aussi plus intégré et qui demande ainsi de réfléchir à son sujet en amont, et en équipe.

«Lorsque tu pars sur un événement pour écrire un article pour le journal papier, tu vas chercher l’information sur le terrain et c’est lorsque tu reviens que tu commences à réfléchir à ton début, à ta fin, etc., explique Katia Gagnon, cadre à La Presse pendant plusieurs années et qui a décidé de réintégrer la rédaction en tant que reporter à l’arrivée de l’application Ipad. Avec La Presse+, tu dois notamment savoir sur quel axe tu veux aller avec la vidéo, réfléchir à tes intervenants, à tes questions parce que tu ne vas pas pouvoir faire une demi heure d’entrevue avec chacun, penser aux images dont tu as besoin, parce que si tu ne les a pas en rentrant au bureau, tu ne pourras pas donner l’information. C’est pas comme à l’écrit où s’il te manque quelque-chose, tu n’as qu’à passer un coup de fil.»

Travailler le storytelling

La convention collective n'autorise pas un journaliste de tourner ses images et l’équipe de La Presse+ part ainsi à deux sur le terrain, un reporter et un photographe-caméraman. Parfois, une troisième personne s’occupe du montage, bien que certains journalistes aient reçu une formation.

«Lorsque j’ai le temps et le choix, je préfère toujours faire mon montage, explique Tristan Péloquin. Je suis ainsi au plus proche de ce que je veux dire. Je m’intéresse à l’image depuis pas mal de temps et l’entreprise m’a offert une formation au montage avant même que je devienne vidéoreporter. Certains d’entre nous ont également pu travailler la pose de la voix et le storytelling cet été. Puis on peaufine notre technique aussi sur le tas. Il est intéressant de voir que les nouvelles générations, celles qui sortent tout juste de l’école, sont très à l’aise à faire du montage et de la webvidéo.»

Le storytelling semble être la grande nouveauté pour les journalistes qui ont intégré l’équipe de La Presse+, soit une trentaine de personnes, journalistes, vidéoreporters, photographes-cameramen, techniciens, monteurs ainsi qu’une structure patronale.

«Parce qu’il y a tout à inventer sur ce support, insiste Katia Gagnon. Lorsque je suis sur le terrain, je dois penser à comment je vais raconter mon histoire. Il y a des dizaines de possibilités! Je dois me demander ce que je fais en vidéo, ce que j’écris, est-ce que je privilégie la photo avec une série de vignettes légendées, est-ce que j’utilise des graphiques, des cartes interactives, etc. C’est très excitant parce que c’est nouveau et que le rendu Ipad est très beau aussi. Mais c’est également beaucoup de travail. Même l’écriture n’est pas la même. Avant je partais sur des longs portraits de 1800 mots. Avec l’Ipad, il faut que je réfléchisse en termes de blocs et d’onglets, pour que le lecteur ne se fatigue pas à scroller

Un premier point de maturité

Parmi tous les journalistes produisant pour La Presse+, seuls quelques-uns réalisent des topos vidéos. Ceux qui en ont fait la demande ou ceux qui ont été embauchés récemment spécifiquement à cet effet.

«J’ai tout de suite été en demande, affirme Katia Gagnon, car ça me parait essentiel sur cette plateforme de raconter une histoire en la déclinant sous différents formats. J’ai suivi une formation minimale et je me suis lancée. Il faut comprendre que nous sommes sur quelque-chose de complètement nouveau et que toute l’équipe est très soudée. Mais j’avoue que c’était stressant au début. Nous n’avions que peu d’expérience et il fallait faire des vidéos professionnelles, qui ne ressemblent pas à des ouvrages de Cegep!»

Si le reporter reste le réalisateur de son sujet, donc de sa vidéo, le travail se fait en collaboration avec le vidéaste et, le cas échéant, le monteur.

«Nous avons vécu des mois à la fois intenses et très grisants, conclut Tristan Péloquin. Nous avons dû nous remettre en question tous les jours, trouver toujours de nouvelles façons de présenter la nouvelle, accepter nos erreurs également. La direction nous a laissé beaucoup de latitude dans les différents essais que nous avons faits. Au bout de six mois, je crois que nous maitrisons pas mal de médium maintenant. La formule a atteint un premier point de maturité. Ce qui ne signifie pas que nous n’allons pas continuer à nous questionner et à tenter de nouvelles choses. C’est toute la beauté de La Presse+.»

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