Depuis une semaine, le Journal de Montréal et son homologue de la capitale, le Journal de Québec, ont un nouveau visage sur Internet. La présidente et éditrice du JdeM, Lyne Robitaille, estime mettre sur le marché rien de moins qu'«un site qui redéfinit la norme pour transmettre l'information sur Internet».

Depuis une semaine, le Journal de Montréal et son homologue de la capitale, le Journal de Québec, ont un nouveau visage sur Internet. La présidente et éditrice du JdeM, Lyne Robitaille, estime mettre sur le marché rien de moins qu'«un site qui redéfinit la norme pour transmettre l'information sur Internet». ProjetJ a rencontré deux des architectes de ce virage numérique, Dany Doucet et Mathieu Turbide, dans leur nouvelle salle de rédaction installée au cœur de la Cité du Multimédia, dans le Vieux-Montréal.

Contrairement à l'imposant bâtiment du JdeM sur la rue Frontenac, où, depuis la fin du lock-out, ne subsistent que le service des petites annonces et les bureaux administratifs, les nouveaux locaux du Journal sont presque cachés dans un bâtiment où logent plusieurs autres entreprises. Aucune bannière n'indique la présence du navire amiral de Quebecor Média. «Je ne sais pas encore si je vais en mettre une. Une salle de rédaction au rez-de-chaussée avec vue sur la rue… au plan sécurité, c'est pas évident», explique le vice-président, Information, Québec, Corporation Sun Media, Dany Doucet, en nous accueillant dans un tout petit vestibule où trônent de vieux bancs du Forum de Montréal. (Photo ci-dessous – ©ProjetJ)

En entrant dans la salle de rédaction, le choc: les journalistes ne sont pas pendus au téléphone cachés derrière des piles de livres ou de documents épars, comme c'est souvent le cas dans les salles conventionnelles. En fait, ils ne sont pas là du tout. «La nouvelle, elle n’est pas ici, elle est dehors avec les gens, c'est là que sont mes journalistes», commente Dany Doucet. Le long de la grande baie vitrée donnant sur la rue, une grande plateforme de travail prévue pour accueillir une dizaine d'ordinateurs portables leur est réservée (à gauche sur la photo ci-dessous – ©Journal de Montréal). «Ils viennent ici quand ils ont quelque chose de précis à faire au bureau, quand ils sont dans le coin, entre deux entrevues ils viennent écrire leur papier», explique notre guide qui rencontre virtuellement ses troupes tous les matins en conférence téléphonique.

L'image au cœur de l'info

Au centre de la salle trône une grande estrade circulaire à deux niveaux. Des pupitreurs, monteurs, chefs de sections, réceptionniste, et autres artisans «syndiqués ou cadres» s'y affairent, coude-à-coude, précise Dany Doucet, soucieux d'expliquer que le mélange hiérarchique ne vise pas à instaurer un climat de surveillance, mais de collaboration. Sur les murs, des écrans transmettent les principales chaînes d'information en continu et d'autres présentent le site web du journal. Dans la salle, les artisans mettent en page des textes, mais aussi beaucoup d'images: des photos et des vidéos tournées par les photographes, les journalistes et les citoyens qui sont invités à envoyer leurs images au Journal(Photo ci-dessous – ©Journal de Montréal)

L'image est au cœur du nouveau site web du JdeM et du JdeQ parce que «l'information, c'est avant tout des événements, des visages, des images», indique Lyne Robitaille. «Des fois, il faut presque le voir pour le croire», lance Dany Doucet. Pour lui, la place que la nouvelle plateforme fait aux vidéos, aux photos et aux infographies interactives, garantit plus d'information aux lecteurs tout en donnant plus de portée aux histoires: «La vidéo a énormément d'impact. Notre enquête sur les écoles de conduite n'aurait jamais eu autant d'impact sans les vidéos». «Les gens veulent voir. Ils sont habitués eux-mêmes à prendre des photos et des vidéos de tout ce qu'ils vivent, donc quand on fait un reportage comment on peut leur justifier qu'on ne leur montre pas ce qu'on fait?», renchérit son adjoint, Mathieu Turbide.

Selon lui, l'équipe du Journal de Montréal a développé des outils qui permettent une intégration de vidéos et d'infographies interactives de manière inédite au Québec ce qui permettra aux deux quotidiens du groupe Quebecor de se démarquer de leurs concurrents. Il estime proposer le site d'information le plus moderne et le plus facile d'utilisation au Québec autant sur ordinateur que sur tablette ou sur téléphone intelligent. «C'est quasiment comme une application, le format mosaïque permet une navigation simple, le lecteur n'a qu'à cliquer sur les images pour accéder à la nouvelle et toutes nos vidéos et infographies sont compatibles avec l'iPad et même les téléphones pré-intelligents.»

Un paywall en préparation

L'équipe s'est inspirée du populaire tabloïd Suédois Aftonbladet. «C'est un site long, efficace, très visuel, et qui, au moment où on a commencé le design du nôtre, était numéro un dans son marché devant Google. Nous on ne vise rien de moins», lance Dany Doucet. Néanmoins, contrairement à leur modèle scandinave, le JdeM et le JdeQ ne demeureront pas gratuits. «L'objectif n'est pas uniquement d'avoir du trafic, mais d'être prospère. On n'a pas l'intention de tout donner gratuitement pour être numéro un absolument», précise notre hôte.

Le système de paywall sera prêt d'ici trois mois. Grâce à lui, le Journal ne craint pas que sa nouvelle présence en ligne cannibalise son produit imprimé. «Le papier est rentable chez nous et on veut protéger ça le plus longtemps possible. On n'a pas peur de la migration vers le numérique parce qu'avec le paywall on ne perdra pas de revenus», insiste Dany Doucet. Selon Mathieu Turbide, avec son nouveau site web, le Journal devrait même aller chercher de nouveaux lecteurs, des jeunes qui sont moins portés vers l'imprimé.

Les informations dites «de commodité» produites par l'agence QMI demeureront gratuites, tandis que les exclusivités, les vidéos, les infographies et autres seront réservés aux abonnés. Le paywall sera néanmoins flexible et permettra de réserver certains contenus aux abonnés le matin, puis de les ouvrir à tous en fin de journée. Avec en tête cette nouvelle approche basée sur la rentabilisation des contenus premium, le JdeM a récemment recruté l'ex-journaliste de Radio-Canada, Émilie Dubreuil, en lui offrant une sécurité d'emploi confortable doublée d'une grande liberté pour produire «de l'info à valeur ajoutée». «C'est pas mal fini l'époque où on disait au journaliste «voici ce que tu vas faire aujourd'hui». La journée commence avec l'appel conférence, chacun prend la parole et dit ce qu'il va faire. C'est très exigent, mais c'est aussi très stimulant», explique Dany Doucet.

Parviendra-t-il à séduire d'autres reporters de talent? Depuis la fin du lock-out, le JdeM multiplie les offres d'emplois. Chose rare dans une industrie où les postes permanents ne sont pas légion, il les diffuse à grande échelle via CNW. Plus discrètement, il cherche également de nouveaux blogueurs pour enrichir sa section Opinion fortement mise de l'avant sur son nouveau site. Est-ce l'arrivée prochaine du Huffington Post Québec qui fouette les patrons du JdeM? Pas du tout, affirment Dany Doucet et Mathieu Turbide. Selon eux, ce nouveau joueur devrait plutôt faire peur au Devoir et à La Presse.