Samedi, 64,1% des travailleurs du Journal de Montréal ont accepté l'offre patronale afin de mettre un terme à un lock-out qui dure depuis plus de deux ans. C'est cependant un «oui» amer qu'ils ont exprimé puisqu'il implique la suppression de plus 70% des emplois. Pour le journaliste Yves Chartrand, c'est un «Waterloo syndical».

Au banc des accusés: la CSN

Samedi, 64,1% des travailleurs du Journal de Montréal ont accepté l'offre patronale afin de mettre un terme à un lock-out qui dure depuis plus de deux ans. C'est cependant un «oui» amer qu'ils ont exprimé puisqu'il implique la suppression de plus 70% des emplois. Pour le journaliste Yves Chartrand, c'est un «Waterloo syndical».

Au banc des accusés: la CSN

Sur Rue Frontenac, il reproche à la présidente de la Confédération des syndicats nationaux (CSN), Claudette Carbonneau d'avoir «manœuvré de manière sinueuse et souvent avec mollesse». Comme plusieurs, il estime qu'elle n'a pas été «à la guerre» dans ce conflit de travail. Dans La Presse, Patrick Lagacé écrit que la chef syndicale a agi «sans passion, sans urgence». Aux yeux du chroniqueur, Claudette Carbonneau s'est écrasée devant le patron de Quebecor, Pierre-Karl Péladeau.

Mais la présidente de la CSN estime avoir fait tout ce qui était en son pouvoir pour défendre ses membres. Elle a rappelé que son organisation a investi plus de 7 millions de dollars dans ce conflit, en plus de s'impliquer publiquement et politiquement au point d'obtenir la tenue d'une commission parlementaire sur les dispositions anti-briseurs de grève. Elle a par ailleurs souligné que la CSN laisse les négociations aux mains des syndicats locaux, dans ce cas le Syndicat des travailleurs de l'information du Journal de Montréal (STIJM).

… la STIJM

Le journaliste Martin Leclerc a donc rejeté le blâme sur le comité de négociation de la STIJM et le président du syndicat, Raynald Leblanc. À l'antenne du 98,5 FM, il lui a reproché d'avoir commis «une erreur très grave» en signant seul une lettre d'entente avec l'employeur qui prévoyait d'importantes concessions. Signé le 24 décembre 2008, ce document a été renié par le syndicat le 31 décembre (le lock-out a été déclenché le 24 janvier), mais a miné l'ensemble du processus de négociation, juge Martin Leclerc.

Dans une lettre publiée sur le site de L'Actualité en décembre dernier, Pierre-Karl Péladeau a en effet reproché aux représentants syndicaux leur refus de reconnaître cette fameuse entente qui constituait pourtant, selon lui, un cadre de règlement avantageux. À ses yeux, ce faisant, le syndicat voulait faire «dérailler la négociation». Claudette Carbonneau a elle-même qualifié cet épisode de «maladresse», dans une lettre publiée sur le même site.

… et le public

Cependant, pour la chef syndicale le rapport de force ne permettait pas d'obtenir davantage puisqu'il favorisait l'employeur. À la faveur d'un code du travail qui lui a permis d'utiliser des travailleurs de remplacement, Quebecor a pu continué de produire son journal sans entrave pendant le conflit, avec le soutien des annonceurs et du lectorat qui a même augmenté au cours des deux dernières années, a expliqué Claudette Carbonneau au 98,5 FM.

Même son de cloche de la part du professeur associé Michel Grant, spécialiste en relations de travails à l'Université du Québec à Montréal qui souligne le manque de solidarité populaire. «Ma grande déception dans ce conflit, c'est le manque d'appui du public. Si ce conflit avait eu lieu en 71, ça aurait été différent. Les gens étaient plus collectivistes à l'époque, l'action collective était plus forte. Aujourd'hui, avec la précarisation du marché du travail, la multiplication des travailleurs indépendants, on est beaucoup plus individualiste.»

Tous perdants

La Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) refuse de son côté de blâmer quiconque. Elle estime plutôt que ce conflit laisse derrière lui bien des perdants. Les journalistes du Journal de Montréal certes, mais aussi l'ensemble de la profession et le grand public qui hérite d'une salle de rédaction amputée de moitié.

«Il faut pourtant un contrepoids, à l'intérieur même des entreprises de presse, pour faire valoir les valeurs journalistiques et empêcher les appétits commerciaux d'occuper toute la place. Ce contrepoids professionnel nécessaire, ce sont les journalistes», écrit la FPJQ dans un communiqué.