Par Julie Ireton, reporter à CBC Ottawa et par deux fois récipiendaire de la bourse Michener-Deacon pour le journalisme d’enquête. Elle enseigne à temps partiel à l’école de journalisme de l’université Carleton où elle propose un cours sur l’innovation et l’entreprenariat. Vous pouvez tweeter avec elle via @JulieIreton.

 

Par Julie Ireton, reporter à CBC Ottawa et par deux fois récipiendaire de la bourse Michener-Deacon pour le journalisme d’enquête. Elle enseigne à temps partiel à l’école de journalisme de l’université Carleton où elle propose un cours sur l’innovation et l’entreprenariat. Vous pouvez tweeter avec elle via @JulieIreton.

Traduction d’un article publié initialement sur J-Source le 29 avril 2014

 

Inutile de rappeler aux finissants en journalisme combien le marché de l’emploi dans lequel il s’apprête à faire leurs premiers pas est tendu. Beaucoup d’entre eux vont commencer  par des stages, des piges et des petits contrats pour combler leur désir de poursuivre dans le journalisme. Et bien souvent, c’est même en travaillant comme serveur ou barman qu’ils paieront réellement leur facture.

Ces jeunes dans la vingtaine espèrent mieux. Mais croyez-le ou non, ils ne souhaitent pas forcément entrer dans un média, ni un format traditionnels.

Nombre de mes anciens étudiants ne sont pas employés à leur juste valeur. Leur motivation à persévérer, ils la trouvent en observant les nouveaux médias et projets numériques en ligne. Un vent de changement a soufflé. Ils veulent monter leur propre petite entreprise. J’ai par exemple un ex-étudiant qui a l’objectif de créer un média présentant des données, analyses et autres nouvelles peu publiées ailleurs. Deux autres finissants ont une idée originale, celle de réaliser des émissions mettant en lumière des séniors tout autour de la planète.

Mais aussi intelligents et talentueux qu’ils puissent être, ces jeunes journalistes se retrouvent face à un problème, celui de n’avoir jamais été confrontés à la partie business du journalisme. Plus spécifiquement, personne ne leur a jamais appris comment démarrer une entreprise médiatique. En fait, l’entreprenariat et l’innovation sont des disciplines qui sont très peu enseignées dans les écoles du journalisme au Canada. Au lieu de cela, on leur rebat les oreilles avec le nombre d’emplois en perte de vitesse dans les médias traditionnels.

Un de mes étudiants à l’Université Carleton m’a récemment fait remarquer que le journalisme changeait mais pas les écoles de journalisme.

Grâce à la bourse Mechener-Deacon pour le journalisme d’enquête, que j’ai obtenue l’an dernier, j’ai passé une partie de l’année à mener des recherches sur le concept de «startup journalism». Je me suis alors rendu compte que nombre de finissants et de jeunes journalistes sont parvenus par leurs propres moyens, à développer les compétences nécessaires au lancement de leur propre entreprise. J’en suis venue à la conclusion que les écoles de journalisme doivent maintenant intervenir.

Comme les écoles d’ingénieur sont des creusets pour bien des innovations et des brevets, les écoles de journalisme doivent devenir des incubateurs pour une nouvelle industrie médiatique innovante et numérique au Canada. Ce rôle est nécessaire et les États-Unis l’ont bien compris: il suffit pour s’en convaincre de regarder du côté de la City University de New York et de son Centre de journalisme entrepreneurial. Ou encore du côté du tout nouveau programme diplômant en innovation médiatique de la Northeastern University de Boston.

Les programmes de journalisme doivent encourager une nouvelle manière de faire du journalisme: de nouvelles façons de raconter des histoires en ligne pour des audiences variées; la création de nouveaux outils, plateformes, applications et services, plus interactifs; une meilleure compréhension des modèles d’affaires médiatiques en constante mutation. Les étudiants doivent être préparés à accepter des emplois liés aux technologies, emplois qui n’existent même pas aujourd’hui encore.

Bien sûr, les jeunes journalistes doivent continuer à apprendre les fondamentaux: développer des compétences en écriture, leur curiosité, un sens critique. Mais ils doivent aussi avoir confiance en eux, afin de prendre les risques calculés leur permettant de développer de nouveaux produits et services.

Sondez  n’importe quelle classe d’étudiants en journalisme aujourd’hui et vous découvrirez que peu d’entre eux n’ont la télévision et encore moins ne souscrivent à un abonnement à un journal. Ils s’informent tous en ligne, souvent via leur téléphone intelligent. Les habitudes changent, la distribution des nouvelles aussi, les modèles d’affaires dans les médias traditionnels également. Cela signifie que les étudiants doivent connaitre ces nouveaux modèles d’affaires, mais aussi comment les grandes idées sont apparues dans le paysage. Être initié au code ne peut pas faire non plus de mal.

Les médias traditionnels ont aussi un rôle à jouer. Ces organisations doivent encourager l’entreprenariat dans leurs rangs. Elles doivent reconnaitre et accueillir les étudiants et les finissants (et même les employés) ayant des compétences et des idées nouvelles et différentes. Les patrons diront souvent qu’ils ne peuvent pas se permettre de prendre des risques. Mais peuvent-ils se permettre de ne pas en prendre?

Il y a aujourd’hui de nouvelles façons de raconter et délivrer des histoires, de créer des emplois et même de faire de l’argent alors que le paysage médiatique est en pleine révolution. Les étudiants sont inspirés par ce qu’ils voient. Les enseignants devraient l’être aussi. Est-ce que cela représente beaucoup de travail? Là n’est pas la question. Est-ce que toutes les entreprises médiatiques émergentes rencontreront le succès? Certainement pas. Mais si elles n’essaient pas, personne ne saura jamais ce qui fonctionne ou non.

Prendre des risques, être innovant: cela s’appelle être un entrepreneur.

Bienvenue dans le «startup-journalism»!

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