Les médias de masse traitent très peu de sujets religieux et quand ils le font ils s'intéressent essentiellement aux situations conflictuelles contribuant ainsi à la peur de l'autre et non au vivre ensemble. C'est ainsi que plusieurs participants au Colloque Médias et religion, qui se tenait lundi dans le cadre des entretiens Jacques-Cartier, ont décri la couverture médiatique du monde religieux.
Les médias de masse traitent très peu de sujets religieux et quand ils le font ils s'intéressent essentiellement aux situations conflictuelles contribuant ainsi à la peur de l'autre et non au vivre ensemble. C'est ainsi que plusieurs participants au Colloque Médias et religion, qui se tenait lundi dans le cadre des entretiens Jacques-Cartier, ont décri la couverture médiatique du monde religieux.
Couverture conflictuelle
La journaliste indépendante Eugénie Francoeur, qui a notamment couvert la crise en Irlande du Nord pour Radio-Canada, a déploré le désintérêt de ses patrons, à l'époque, pour des reportages montrant des familles catholiques et protestantes vivant en harmonie. «Ils voulaient du sensationnel», a-t-elle confié tristement. Cette couverture conflictuelle mène à la diabolisation de certaines religions, dont l'islam, a déploré le chercheur de l'Université Berkeley Jean-Michel Landry, qui a comparé le traitement médiatique de l'attentat d'Oklahoma City en 1995 et celui du double attentat d'Oslo cet été. Dans les deux cas, les agresseurs étaient des Occidentaux d'extrême droite, mais le premier réflexe des rédactions a été de pointer le djihad islamiste, faisant de l'islam un bouc-émissaire médiatique.
La chroniqueuse Lysiane Gagnon de La Presse a pour sa part critiqué l'attrait des journalistes pour l'insolite ou les comportements déviants des religieux – le scandale des prêtres pédophiles –, et la peopolisation de la couverture religieuse. Phénomène qui se caractérise par une couverture superficielle et dénuée d'esprit critique des sorties du Pape ou du Dalaï-lama par exemple. Selon elle, en règle générale, les rédactions affichent une grande indifférence à l'égard du religieux et n'en parlent que quand il déborde sur la citée ou fait scandale. Elles s'intéressent donc à ce qui touche à la périphérie du religieux. Or, la majorité des êtres humains vivant dans un univers religieux, ne pas s’intéresser à cet aspect de leur vie nuit à notre compréhension du monde, a noté la chroniqueuse.
Méconnaissance et hostilité
Il est par exemple impossible de comprendre les États-Unis et la montée en puissance du Tea Party sans comprendre l'influence de la religion dans la vie de nos voisins du Sud. Un commentaire qui vaut également pour la politique canadienne, a ajouté la journaliste Chantal Hébert du Toronto Star et du Devoir qui a décri l'évolution de la droite religieuse canadienne et sa place grandissante dans notre paysage politique. En février dernier, un reportage de l'émission Enquête a par exemple levé le voile sur l'influence du lobby des chrétiens évangéliques au Parlement.
Selon Chantal Hébert, la majorité des journalistes ne sont pas en mesure d'expliquer ni même de percevoir ce portrait changeant de la politique canadienne, car ils n'ont pas un bagage de connaissances suffisant pour traiter de la religion. Outre cette méconnaissance, elle a noté chez ses collègues un regard très hostile sur cet univers. «La chose politique est couverte de façon moins hostile que le religieux. À la question "la religion apporte-t-elle quelque chose de positif à la société?", la majorité de mes collègues répondrait "non".» En échos à cette image négative, on assiste, à ses yeux, à «l'inquisition laïque» qui n'est pas plus payante socialement que sa contrepartie religieuse.
La part de responsabilité des religieux
Les religieux ne sont pas étrangers à ce rejet du religieux par les médias, selon Lysiane Gagnon. «L’Église communique mal et s’aliène les journalistes», a-t-elle déploré. Une critique dont le vicaire épiscopal Alain Faubert, ex-animateur de l'émission Parole et vie à Vox, ne s'est pas défendu. Selon lui, se sentant constamment critiquée, l'Église a tendance à favoriser la politique de la chaise vide et est frileuse au dialogue. «Dialoguer c'est risquer d'être changé par la parole de l'autre, a-t-il laissé tomber en s'interrogeant sur l'ouverture au débat au sein de l'Église catholique.
Même son de cloche du côté du rédacteur en chef de la revue religieuse belge L'Appel et enseignant à l'Université Catholique de Louvain, Frédéric Antoine. Pour lui, l'Église a faussement l'impression de savoir communiquer alors qu'elle ne fait qu'émettre sans se préoccuper du récepteur. Les religieux ont ainsi fait le choix de se séparer du monde plutôt que de s'immerger dedans et se satisfont d'une certaine superficialité par désintérêt voire par snobisme. Il estime qu'ils doivent élaborer une stratégie de communication concertée pour changer le regard des médias. Le chef de pupitre Afrique du Courrier International, Ousmane Ndiaye, a pour sa part déploré l'absence des musulmans modérés dans l'espace public et a plaidé pour l'émergence d'une société civile porteuse d'un contre discours sur les religions.
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