En français, on parle de «journalisme de données» ou de «journalisme par algorithmes». Les spécialistes américains, eux, s’entendent sur le terme «Big Data Journalism». Derrière ces termes, se cache  en fait un type de journalisme émergent qui consiste à travailler les données brutes trouvées sur internet afin de leur conférer un sens ou même une histoire.

En français, on parle de «journalisme de données» ou de «journalisme par algorithmes». Les spécialistes américains, eux, s’entendent sur le terme «Big Data Journalism». Derrière ces termes, se cache  en fait un type de journalisme émergent qui consiste à travailler les données brutes trouvées sur internet afin de leur conférer un sens ou même une histoire. Un champ en plein boom qui a fait l’objet de deux ateliers lors de la 97e conférence de l’Association pour l’éducation en journalisme et communication de masse (AEJMC),  qui avait lieu au début du mois à Montréal, et à laquelle Projet J a assisté.

Par Héloïse Henri-Garand, stagiaire

«Nous vivons à l’époque des données. Nous vivons à une époque où les données sont partout, et où. si vous ne pouvez pas trouver celles qui vous intéressent, car cela arrive parfois, vous pouvez probablement les créer», nous rappelle le spécialiste et professeur Matt Waite, présent à Montréal à l’occasion de la conférence de l’AEJMC.

Ainsi, l’ère est au numérique et les employeurs du milieu de l’information exigeront de plus en plus de journalistes ayant des compétences en lien avec l’analyse et la collecte de données, croient plusieurs panélistes. Ce sont donc aux universités de préparer le terrain afin que les étudiants soient formés le plus adéquatement possible aux exigences du marché du travail.

 «Le concept de "Big Data" s’est avéré être un puissant outil organisationnel, autant au niveau technologique que social et culturel, explique pour sa part Seth C. Lewis, panéliste et assistant-professeur à l’École de journalisme et communication de masse de l’Université du Minnesota-Twin Cities. Je dirai que le "Big Data Journalism" est une combinaison décousue d’abondance de données et de nouvelles techniques d’analyse, accompagnée  d’une certaine mythologie à propos de ce que ces techniques peuvent nous apporter.»

Submergés par l’information

Selon une étude de Statistiques Canada, la popularité des médias sociaux comme outil communicationnel n’a cessé d’augmenter: en 2012, 67 % des Canadiens qui utilisent l’internet ont visité des sites tels que Facebook ou Twitter et 43 % ont effectué des appels via internet sur des plateformes telles que Skype ou Facetime. Et encore, ces données datent déjà…

L’enquête de l’International Data Corporation (IDC) nous dit de son côté que les êtres humains produisent en deux jours autant d’information qu’ils ne l’ont fait en deux millions d’années. Chaque minute, environ 350 000 tweets, 15 millions de SMS et 200 millions de courriels sont envoyés, reçus et sauvegardés sur les différents serveurs.  

L’idée que certaines personnes, ou organisations puissent effectuer la collecte, le traitement et l’analyse de ces données soulève invariablement des questions de morale et d’éthique: et si ces données tombaient entre de mauvaises mains?

«Bien sûr, nous avons une grande peur de ce que peuvent faire nos gouvernements. 1984, le livre emblématique de George Orwell, incarne notre peur que ces données soient utilisées contre les dissidents politiques ou à d'autres fins malveillantes, explique James Katz, professeur à l'Université de Boston.  Mais il y a un très grand nombre de points positifs découlant de cette abondance de données. Grâce à elle, nous pouvons mieux lutter contre la criminalité et pour la justice sociale. Le "Big Data" peut servir au niveau de la protection de l’environnement, de la recherche en sciences naturelles et sociales. Elle peut même nous aider dans notre lutte contre les maladies.»

Le cas de l’étude Facebook

Un cas récent, qui fera certainement jurisprudence dans le milieu du journalisme de données, est celui de l’étude Facebook sur les émotions.

En janvier 2012, des scientifiques des universités Cornell et Californie à San Francisco ont créé et appliqué au réseau social des systèmes d’algorithmes complexes afin de modifier le contenu de messages reçus par environ 700 000 utilisateurs anglophones. Le but de l’étude: savoir si le nombre de messages positifs ou négatifs lus par les utilisateurs influençait la teneur de ce qu’ils publiaient eux-mêmes sur leur page personnelle.

Jamais il n’a été question, au cours de l’étude, d’un quelconque consentement de la part des participants.

«Certes, nous sommes conscients de l’abus potentiel que peuvent faire de ces données les grandes entreprises et gouvernements. C’est d’ailleurs cette peur qui a motivé le Bureau des politiques scientifiques et technologiques, sous la direction du président Obama, à  réglementer l’utilisation de ces données», nous informe le professeur James Katz.

Avançant aujourd’hui sans contraintes ni barrières, une législation relative au journalisme de données serait donc esentielle, selon certains, dans le futur pour encadrer, mais aussi enseigner cette pratique émergente.

Le Québec en retard

Un constat: tandis que les écoles américaines l’enseignent depuis quelques années déjà, le journalisme de données ne figure que rarement dans le cursus académique des universités québécoises. Le retard est réel: certaines universités, dont Columbia, ont même inauguré leur propre centre dédié au journalisme numérique.

Or, ont insisté certains panélistes, avec les bouleversements récents amenés par la crise du papier, les programmes de communication québécois ont une responsabilité envers leurs étudiants: s’adapter le plus rapidement possible aux exigences du 21e  siècle en formant des journalistes qui, en plus de savoir écrire, sauront manipuler et traiter les données disponibles sur internet.

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