La Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) et le Conseil de presse (CPQ) ont présenté l'image d'une profession divisée vendredi et hier au ministère de la Culture, des Communications et de la Condition féminine dans le cadre de la consultation publique sur l'avenir de l'information.

La Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) et le Conseil de presse (CPQ) ont présenté l'image d'une profession divisée vendredi et hier au ministère de la Culture, des Communications et de la Condition féminine dans le cadre de la consultation publique sur l'avenir de l'information. Bien qu'en accord sur le principe d'instaurer un titre de journaliste professionnel (JP), les deux organismes sont incapables de s'entendre sur les modalités de gestion de cet éventuel statut, à tel point que la FPJQ est désormais plutôt tiède à un projet qu'elle appelait pourtant de ses vœux il y a quelques semaines à peine.

Le CPQ souhaite être partie prenante à toutes les étapes de la gestion d'un éventuel titre de JP alors que la FPJQ réclame qu'il soit exclu du volet opérationnel de l'attribution du titre de JP. Elle veut se réserver la responsabilité de la réception, de l'examen et de l'analyse des demandes de titre ainsi que l'émission de la carte et la perception des paiements qui y seraient liés. Selon la proposition qu'elle a présentée à la ministre, le CPQ aurait son mot à dire en amont, c'est-à-dire dans la définition des critères d'attribution du statut, et en aval, soit dans le traitement de demandes d'appels des personnes à qui le titre aurait été refusé et dans celui des plaintes du public.

Émettrice d'une carte de presse depuis plus de 20 ans, la FPJQ tient mordicus à cette fonction et estime que partager cette responsabilité avec un autre organisme viendrait «bousculer les rôles» et aurait pour conséquence «d'affaiblir la principale association de journalistes du Québec» (elle-même). En conséquence, «les négociations pour en arriver à une même approche des modalités d'attribution du titre ont avorté», indique-t-elle. Dans ce contexte, le président de la fédération, Brian Myles, pourtant jusqu'à il y a peu un partisan de l'instauration d'un titre de JP, n'appuiera pas la création d'un titre professionnel s'il doit être chapeauté par un autre organisme que le sien. «Un titre où le monde journalistique est un passager dans l'autobus et n'a pas les deux mains sur le volant est un outil qui nous inspire une certaine crainte», a-t-il laissé tomber.

Au micro de ProjetJ, Brian Myles s'est défendu de se livrer à une guerre de pouvoir. «C'est vraiment une volonté d'affirmer clairement que l'identité, la définition de qui est journaliste et qui ne l'est pas, ça doit rester dans les mains du milieu», a-t-il martelé. Or, le milieu journalistique ne se résume pas à la FPJQ. Comme le souligne la fédération elle-même dans le document qu'elle a présenté à la ministre, il s'articule également autour de la Fédération nationale des communications-CSN (FNC) et du Conseil de presse, deux organismes favorables à la création d'un titre de JP mais défavorables à ce qu'il soit gérer par la fédération des journalistes seule.

La position de la FNC et du CPQ

Pour la FNC, qui représente environ 2000 journalistes salariés et pigistes, «il serait incompatible avec l’intérêt public de confier à un organisme qui représente les intérêts des journalistes de gérer ce statut. Il y aurait là un conflit d’intérêts contraire aux objectifs visant à protéger le droit du public». Le professeur Marc-François Bernier de l'Univesité d'Ottawa avait défendu la même position devant la ministre le mois dernier. La FNC estime plutôt que «l’organisme ayant à faire respecter le Code de déontologie devrait aussi gérer le titre de journaliste professionnel. Nous estimons qu’il appartient au Conseil de presse du Québec dont le mandat est de protéger la liberté de la presse et la défense du droit du public à une information de qualité d’appliquer les règles relatives à la gestion du titre de journaliste professionnel. Le budget du Conseil devra être revu en conséquence», lit-on dans son mémoire.

Néanmoins, comme plusieurs organismes qui ont défilé devant la ministre vendredi et hier, dont la FPJQ, la FNC craint qu'un titre de JP engendre «une illusion de résolution des problèmes. Dans les faits, cela accentuera la pression exercée sur les journalistes vers qui on détourne une charge qui devrait incomber aux propriétaires des médias. Les journalistes exercent peu de contrôle sur les choix des propriétaires des médias. Or, ce sont ces choix qui influencent la manière dont la cueillette et la diffusion de l’information s’effectuent.» Pour le syndicat, ce sont plutôt les médias qui doivent «prendre des engagements et assumer leurs responsabilités à l’égard du public». En conséquence, il préconise également de renforcer les pouvoirs du CPQ en obligeant les entreprises à y adhérer.

Le tribunal d'honneur de la profession est en phase avec cette demande. Son président, John Gomery, a en effet demandé que le gouvernement adopte une loi pour contraindre les médias à adhérer au CPQ. Le règlement proposé dans le mémoire du CPQ s'inspire de celui concernant le Conseil canadien des normes de radiotélévision (CCNR), un organisme d’autoréglementation affilié au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadien (CRTC), auquel les médias électroniques privés canadiens doivent participer s’ils souhaitent pouvoir renouveler leurs licences de diffusion. Le juge à la retraite a prévenu la ministre St-Pierre qu'un tel geste engendrerait probablement une contestation devant les tribunaux, mais que le gouvernement du Québec aurait toutes les cartes pour gagner la bataille légale, car il a pleine compétence pour adopter une telle loi.

La majorité des organismes qui se sont présentés devant la ministre, dont la FPJQ, ont cependant souligné qu'un titre de JP et le renforcement du CPQ ne doivent pas faire oublier l'éléphant dans l'ombre de toute cette consultation publique depuis sa mise en branle: la concentration de la presse. «Il serait réducteur d’éclipser les grands responsables à l’origine de la dérive de l’information soit la propriété des médias et les stratégies d’entreprise. Les grands mouvements de concentration de la presse ont permis aux médias de mettre en place des stratégies fondées sur la convergence et la commercialisation de l’information», note la FNC. Face à ce discours qui a souvent pointé du doigt Quebecor – qui n'a jusqu'à présent pas participé à la consultation publique –, la ministre s'en tient à l'expression qu'elle a utilisée au lancement de sa consultation: «on ne remettra pas la pâte à dent dans le tube».

 

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